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As it is and not as it should be

27 Mai - 23 Juil 2011
Vernissage le 27 Mai 2011

Dans ses dessins et peintures, Nick Devereux a recours à une technique ancienne, utilisée par Diego Vélasquez pour Les Ménines, qui ne vise pas à rendre une réalité «photographique» mais se concentre sur les éléments perçus par l'œil, les volumes et lumières, apportant ainsi une réponse originale aux enjeux de la représentation.

Nick Devereux
As it is and not as it should be

Nick Devereux applique cette technique non à des êtres ou à des objets, mais à de petites sculptures qu’il réalise lui-même à partir de bouts de rien, morceaux de verre ou chutes de tissu; non figuratives, ces sculptures, transfigurées par sa technique, s’animent soudain d’une vie insoupçonnée. Les Å“uvres de Nick Devereux se tiennent à la lisière entre figuration et abstraction, et interrogent les notions de mémoire et de postérité.

Pour l’exposition «As it is and not as it should be», Nick Devereux a travaillé à partir d’Å“uvres anciennes, aujourd’hui disparues ou dont le sens a été brouillé ou perdu, qu’il a reconstituées sous forme de sculptures abstraites, elles-mêmes reproduites en dessin ou en peinture. La signification du sujet original est ainsi brouillée, afin d’explorer la nature intrinsèque de l’image. Considérant l’identification comme un obstacle qui, jusqu’à un certain point, limite le potentiel de l’image, Nick Devereux cherche de la sorte à «libérer» l’Å“il, ainsi que le sujet, des contraintes de la reconnaissance et de l’indentification.

Pour Unknown unknown, sur un portrait anonyme du XIXe siècle, peint pour immortaliser un individu dont l’identité s’est depuis perdue, Nick Devereux a repeint un visage d’après une de ses sculptures en verre, éphémère elle aussi; le portrait est ainsi ravi en même temps qu’il est détruit.

Le diptyque Version (Raoul Walsh 1914) utilise deux reproductions d’images prises sur le tournage d’une scène de The Life of General Villa, à la fois documentaire sur la révolution mexicaine en cours et film biographique et d’action sur son héros Pancho Villa, qui joue son propre rôle. Réalisé par Raoul Walsh — qui joue le rôle de Villa jeune — pour un studio hollywoodien en 1914, le film, dont toutes les copies ont aujourd’hui disparu, mêle scènes de batailles réelles, et scènes de fiction brouillant allègrement la frontière entre réalité et fiction. Sur les deux clichés de chevauchée utilisées par Nick Devereux, qui se suivent et se dédoublent, l’artiste a, à partir d’une sculpture recréant l’idée du mouvement, remplacé en dessin l’image de Pancho Villa, creusant l’idée d’un individu rejouant son propre rôle.

Pour la série Untitled (Bragolin), Nick Devereux a travaillé sur des reproductions d’une série de portraits à l’huile représentant des enfants, garçons et filles, à l’air mélancolique et les larmes aux yeux (connus comme les Crying Boys en anglais), peints par Bruno Amadio, plus connu sous le nom de Bragolin, dans la Venise d’après-guerre, et qui, reproduits en masse, ont connu un immense succcès populaire. Au milieu des années 1980, une légende urbaine tenace, lancée par The Sun et rerpise par tous les autres tabloïds britanniques qui citent des pompiers de tout le pays selon lesquels ces reproductions sont fréquemment retrouvées, intactes, dans des logements ravagés par les flammes, prétend que ces peintures sont maudites; la croyance en une malédiction est suffisamment répandue pour que The Sun organise des autodafés au cours desquels les possesseurs de ces toiles viennent les jeter dans les flammes. On découvrira plus tard que ces reproductions sont recouvertes d’un vernis ignifuge, et que, la ficelle qui les tient au mur brûlant en premier, ils tombent face contre terre et sont ainsi protégés du feu. Entre-temps, ces images se sont retrouvées investies d’un poids que la reproduction en masse leur ôte habituellement. Après avoir effacé au papier de verre les têtes des personnages, Nick Devereux les a remplacées par des dessins de sculptures réalisées en papier, brouillant le sujet original des images en même temps qu’il en accentuait l’identité esthétique.

Hubris, deux peintures baroques aujourd’hui disparues, l’une au sujet mythologique et l’autre au sujet religieux, mais toutes deux partageant le thème du martyr, fusionnent dans une reconstruction qui met en évidence leurs dynamiques communes de composition. L’Apollon et Marsyas de Giovanni Battista Langetti et Le Martyr de Saint Érasme de Nicolas Poussin ont été détruites à Dresde en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale; le premier dépeint l’histoire du satyre Marsyas, écorché vif après avoir perdu une joute musicale contre Apollon — la légende est une métaphore du triomphe de l’intellect, symbolisé par l’instrument à cordes d’Apollon, sur la sensualité, la flûte de Marsyas; Poussin quant à lui transpose la scène religieuse du martyr d’Érasme, lui aussi écorché, dans la même composition, celle d’un personnage la tête en bas, comme une sorte de contrepoids au mouvement de l’autre figure. En travaillant sur des études-collages créées à partir de photocopies coupées et recollées de ces deux images se superposant, Nick Devereux aboutit à une Å“uvre qui fusionne les dynamiques de composition des deux peintures originales, tout en étant libérée de leurs sujets respectifs.

Présenté à l’horizontale, sur un socle, Tiepolo s’inspire d’une fresque de Giambattista Tiepolo pour la voûte de l’église Chiesa degli Scalzi, à Venise, détruite lors d’un bombardement pendant la Première Guerre mondiale et connue uniquement par une photographie de 1890. Se servant des têtes des personnages comme points de repère, Nick Devereux a reproduit en sculpture et en trois dimensions la composition de la peinture, et a ensuite transposé sur une impression de la photographie cette sculpture; le sujet de l’Å“uvre originale est dissimulé, tandis que les dynamiques de sa composition sont mises en exergue.

Ivo est une reconstruction en peinture du Conical Intersect de Gordon Matta Clark, Å“uvre aussi fameuse qu’éphémère réalisée en 1975 à proximité du Centre Pompidou alors en construction, à partir d’assemblages des clichés d’époque à travers lesquels l’Å“uvre survit désormais. Ces photomontages, un pour l’intérieur et un pour l’extérieur, sont composés de nombreuses photos collées les unes aux autres pour créer un espace que l’Å“il de la caméra ne peut pas capturer; une sculpture a ensuite été tirée de ces photomontages pour traduire ces distorsions en trois dimensions, évoquant un dôme baroque, qui ont ensuite été transcrites en peinture.

Enfin, pour les trois dessins All Nowhere Gone I, II & III, des éléments de la reconstruction de la grande toile Hubris ont été extraits, restitués et répétés. Ces Å“uvres jouent sur la notion de reconnaissance, révélée à travers les comparaisons avec Hubris: des gestes et postures exagérés, accentués par une lumière théâtrale dirigent l’Å“il des spectateurs vers des formes suggérant qu’après ce sentiment d’instant figé, l’impression de mouvement reviendra.

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