ART | EXPO

Armer les toboggans

14 Avr - 10 Juin 2012
Vernissage le 13 Avr 2012

«Armer les toboggans» associe les œuvres de trois artistes de générations différentes qui recourent dans leurs pratiques respectives à des références à l’art minimal. La question de l’autonomie du médium croise ici celle de la place et du rôle du visiteur, mettant au défi sa perception des œuvres et des rapports inattendus qu’elles entretiennent avec l’espace.

Robert Breer, Pierre Labat, Camila Oliveira Fairclough
Armer les toboggans

À la fois peintre, sculpteur et cinéaste, Robert Breer (1926-2011) est un artiste inclassable. Sa peinture fondée sur l’abstraction géométrique et le rythme le conduit à fréquenter les artistes cinétiques à Paris. Ses premiers films d’animation s’inspirent de ses tableaux. Les formes sont dessinées sur des fiches cartonnées successives qui défilent à la manière d’un flip book. Dès les années 50, Robert Breer est reconnu comme l’un des artistes majeurs du cinéma expérimental américain, une pratique qui nourrit également son travail de sculpture. Parallèlement à ses films, il réalise à partir des années 60 des modules géométriques animés par un moteur qu’il intitule floats. Conçus avec des matériaux simples, ils affichent une économie de moyens volontaire, tandis que leurs déplacements surprennent et engagent une relation qui se déploie dans le temps.

L’exposition «Armer les toboggans» propose une relecture des liens entre les films et les sculptures de Robert Breer au regard des oeuvres de deux plus jeunes artistes, Pierre Labat et Camila Oliveira Fairclough. Tous deux investissent le centre d’art pour mettre à l’épreuve leurs pratiques respectives de sculpture et de peinture. Pierre Labat s’inspire des formes abstraites du minimalisme mais dans un rapport dynamique à l’espace d’exposition. Suggérant différentes modalités de perception du temps, ses sculptures mettent en jeu les rapports d’échelle entre le bâtiment et le visiteur, le passage de la deuxième à la troisième dimension et la circulation dans l’espace. Camila Oliveira Fairclough réalise des tableaux qui associent au minimalisme des formes, des emprunts à divers éléments du réel. Elle crée des motifs graphiques réduits à l’essentiel qui se dessinent alternativement, soit en plein, soit en creux, selon la surface peinte, parfois ce sont des mots ou des injonctions qui apparaissent, ajoutant aux effets d’optique et de texture une dimension sonore. Proches du Pop Art, ses peintures se réfèrent à des codes visuels reconnaissables, mettant en tension le visible et le lisible.

La rencontre entre les deux artistes les conduit à s’interroger sur la spécificité de leur médium: comment regarder la peinture à partir de la sculpture, comment installer des tableaux dans un parcours d’exposition? Si pour Ad Reinhardt, la sculpture, c’est ce sur quoi l’on bute quand on regarde une peinture, pour Pierre Labat elle est au contraire l’occasion d’envisager les nouvelles modalités d’appréhension des images, notamment leur dimension tactile depuis l’émergence des écrans numériques. Les installations de Labat conçues in situ prennent position dans l’espace, offrant des perspectives inattendues sur la représentation en peinture, l’impermanence des formes et le contexte du white cube comme cadre idéologique. Les peintures de Camila Oliveira Fairclough sont réalisées sur des toiles imprimées et tissus divers, tendus sur des châssis de tailles et de formes variables. On y retrouve les questions traditionnelles inhérentes à la peinture, celles des formes (couleurs, surfaces, textures, compositions…) et de l’esthétique (originalité, citation, répétition, style…). Mais ce sont aussi des objets qui se regardent dans une relation à l’espace environnant, renvoyant ainsi le spectateur à son propre regard, à l’espace social, à sa condition physique et psychologique. Si ces tableaux, dans leur diversité, revendiquent une certaine littéralité, ils mettent également en place un réservoir de possibilités formelles fait de variations ouvertes.

Les œuvres de Robert Breer manient l’humour face au radicalisme minimaliste et au consumérisme pop, reflétant de manière critique les conditions de production de l’art. Empiriques, ses œuvres entrent en résonance avec celles de Pierre Labat et de Camila Oliveira Fairclough. Ce sont moins des choix formels qui relient ces trois artistes qu’une certaine forme de résistance aux normes établies et une manière d’envisager l’art comme un flux. Le titre «Armer les toboggans» se présente comme un voyage incertain qui active un double mouvement, vers les œuvres et vers soi, et où se forme l’expérience intime du regard.

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