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A Fleur de peau : le dessin à l’épreuve

13 Déc - 28 Jan 2006
Vernissage le 10 Déc 2005

Le galeriste rend hommage à la pratique du dessin, qu’il affectionne pour son naturel. Vingt et un artistes utilisent le fusain sur papier, le crayon sur mur, le stylo, la gouache ou l’animation digitale.

Gabrielle Wambaugh, Micha Laury, Claire-Jeanne Jézéquel, Erik Dietman, Myriam Mechita, Emmanuelle Rapin, Jean-Marie Biwer, Marine Joatton, Kotscha Reist, Gil & Moti, Ruth Barabash, Carlos Kusnir, Raphaëlle Paupert-Borne, Manuel Mendive, Barthélémy Toguo, Paul Pagk, Siobhan Liddell, Wilson Trouvé, Didier Mencoboni, Yasid Oulab, Lætitia Legros
A Fleur de peau : le dessin à l’épreuve

Pourquoi le dessin ? À cette question, je répondrai parce que j’aime ça. La première œuvre que j’ai acquise était un dessin rehaussé, une œuvre que je possède toujours et que j’ai pausé sur le rebord de la cheminée du salon. Cette œuvre fragile, presque invisible côtoie d’autres dessins mais aussi trois reliquaires africains ou encore deux petites sculptures colorées.

Avec les années, je me suis rendu compte que je présentais à la galerie beaucoup d’œuvres s’approchant du dessin ou de l’idée que j’en avais. Rien de tout cela n’avait été prémédité; non bien au contraire, ce n’est qu’à posteriori que j’ai mieux perçu ce qui se faisait, au-delà de la conscience que je pouvais en avoir, éclairant ainsi alors une partie de mes choix.

Le dessin ne triche pas, c’est aussi pour cela que je l’affectionne. Sans artifice, il est le chemin le plus court de l’esprit au résultat, le véhicule le plus rapide à la réalisation d’une idée. Je me souviens de ce que m’a raconté un architecte à qui Le Corbusier avait montré un dessin minuscule, un premier jet, et qui contenait à lui seul, au dire de l’auteur, la Chapelle de Ronchamp. Le dessin ce me semble, est en contact direct avec l’âme; je devine là une des raisons pour lesquelles les dessins de Grands Maîtres ont aujourd’hui un tel succès. Le dessin cristallise la fulgurance de l’action, je dirai qu’il la précipite. Il n’a besoin que d’une interface ténue et parfois il n’y en a même pas : je pense aux empreintes ou bien aux œuvres que Gabrielle Wambaugh a faites avec ses doigts en guise d’outil. Ainsi, le résultat se présente tel le réceptacle du geste et de la pensée fondus au creux d’une même opération.

Qu’il utilise le fusain, le crayon, le stylo, la gouache ou bien l’électronique, le dessin habite avant tout, l’espace qu’il nous offre. Que ce dernier soit une feuille de papier, un écran plasma ou bien tout simplement le mur, cet espace demeure le premier témoin d’une émotion contrôlée qui est passée par là. On pourra voir dans l’exposition une illustration de ce que j’avance ici au travers d’œuvres aussi variées dans la forme que dans le médium. Aux côtés de dessins au fusain, on découvrira deux vidéos de Yasid Oulab : Le Souffle du récitant comme signe et Percussion graphique. Dans la première vidéo, quatre lignes de fumée verticales et parallèles sont perturbées par le souffle issu de récitants soufistes qui chantent des versets du Coran et produisent ainsi des volutes comme autant de dessins éphémères, dans la deuxième vidéo, à l’aide d’un crayon de maçon, l’artiste trace pendant plusieurs minutes sur une feuille de papier, un simple trait qui dessine, aussi, la première lettre de l’alphabet arabe, le A ou La.
Sous la verrière, on découvrira une sculpture en fil de fer de Lætitia Legros se découpant sur les murs de la galerie.

Le dessin n’est pas exclusivement dans le médium qui le porte depuis ses origines, il a su élargir quelque peu ses domaines pour en investir de nouveaux montrant que son histoire et son potentiel étaient inépuisables.

Que le corps y soit plus ou moins impliqué, le dessin est avant toute chose : geste sensible. Ce qui compte est la trace qui demeure là : le solde des opérations dont le processus (aussi simple ou complexe soit-il) demeure le comptable. On découvrira dans l’exposition les dessins des sculpteurs de Gabrielle Wambaugh et où le corps et la nature ne sont suggérés que par allusion ou par métonymie, chez Micha Laury le corps cette fois est plus proche, il est le fondement même des œuvres présentées ici. Dans les dessins de Claire-Jeanne Jézéquel, les espaces sur le papier peuvent s’organiser à l’image d’une grenade ou d’une papavéracée (pavot) ou encore de manière beaucoup moins identifiable comme ces esquisses qui prennent à partie la perspective d’une feuille devenant sculpture et qui se laisse aller sous l’emprise de la gravité.
Les dessins d’Erik Dietman et de Damien Cabanes ont en commun parfois de dessiner d’après nature, l’autoportrait quand rien d’autre que le miroir ne se présente à vous ou bien des modèles invités à poser quand les temps sont meilleurs. D’autres comme Myriam Mechita et Emmanuelle Rapin peuvent se voir plus attachées à de petites mythologies quotidiennes qu’elles expriment au sein de leurs carnets qui pour la première devient un véritable Journal, on rencontrera aussi dans les gouaches de Jean-Marie Biwer cet aspect autobiographique.
À côté de ces images très intimes, on trouvera les partitions oniriques de Marine Joatton, les souvenirs d’enfance de Kotscha Reist ou les récits transcendés des artistes israéliens Gil & Moti qui retracent une histoire d’amour vécue, à trois, avec un jeune palestinien. Ruth Barabash quant à elle choisit ses sujets pour en donner une vision personnelle et ambiguë parmi les magazines de jouets ou ceux d’agences de voyages. Deux œuvres de Carlos Kusnir compléteront ces petites mythologies du quotidien associées à trois dessins bitumés de Raphaëlle Paupert-Borne. En contrepoint de ces fables intimes, d’autres mythologies, plus universelles, seront aussi à l’épreuve avec les visions de l’artiste Afro cubain Manuel Mendive et celles du Camerounais Barthélémy Toguo.
À l’opposé de ces Å“uvres à la fois graves et jubilatoires, seront présentés pour le simple plaisir de l’œil et des sens, les pastels de Paul Pagk, les dessins aux ombres colorées de Siobhan Liddell, les représentations construites de Wilson Trouvé et les dessins à la plume de Didier Mencoboni. Dans ces dernières Å“uvres, il serait inutile pour ne pas dire vain, de chercher dans notre monde immédiat les marques de ce que nous voyons – ici tout est affaire d’équivalence; ces Å“uvres ne sont là que pour nous toucher et nous inciter à la contemplation.

À l’heure où le dessin commence à occuper la place qui doit être la sienne, je ne pouvais manquer de partager une réalité qui me touche et qui dit autant de mon époque que du regard que je porte sur elle.

Eric Dupont

Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Marie-Jeanne Caprasse sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.

critique

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