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Zéro deux n° 25

Exploration de l’art contemporain balisée par des articles thématiques sur l’ailleurs de l’art : démarches artistiques liées au déplacement, immersion dans les mondes parrallèles de la SF, topographie de la représentation, etc. Voilà une « petite » revue qui grandit bien !

— Directeur de la publication : Patrice Joly
— Parution : avril-mai-juin 2003
— Format : 29,50 x 21 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs
— Pages : 39
— Langue : français
— Prix : gratuit

Stratégies exploratoires
éditorial par Patrice Joly

Sur les sentiers battus de la galaxie art contemporain où les routes de la création ramènent toujours à la Rome de la galerie, certains artistes éprouvent le désir de frayer de nouvelles voies, d’élargir l’horizon de leur possibles expérimentations. Réflexe naturel face à un sentiment de claustration qui gagne, la recherche d’un ailleurs agite les esprits et les jambes des candidats défricheurs.

Si l’on ne s’essaye plus à découvrir de nouveaux territoires géographiques, l’efficacité des systèmes de balisage satellitaires ayant depuis longtemps achevé d’effacer des consciences l’idée d’une possible terre vierge, il s’agit de réendosser symboliquement les habits de l’explorateur mythique, version dérisoire et sympathique du modèle néo colonial et de tenter de redessiner une topographie poétique des lieux arpentés. Les nouveaux cartographes cherchent à redéfinir les enjeux d’une technologie largement dédiée aux systèmes de contrôle (militaires, publicitaires, marchands). La symbolique du « nouveau cartographe » rejoint celle du « nouvel explorateur » quand celle-ci s’attaque à démonter les logiques d’autorité.

Autre figure emblématique de l’ailleurs, la science-fiction occupe traditionnellement le même pan de l’imaginaire : il s’agit toujours de se déplacer, d’aller découvrir et/ou conquérir de nouveaux mondes. Cette quête toujours renouvelée d’un autre univers se nourrit de l’illusion d’échapper à la réalité quand cette réalité se trouve bien plus distendue qu’on ne l’imaginait, ses marges de plus en plus lointaines et son dépassement toujours plus hypothétique. S’il devient définitivement impossible de « rompre avec le réel », la science-fiction et l’utilisation qu’en font les artistes dans leurs travaux a plus à voir avec une vision distanciée et l’activation de stratégies diversifiées qu’un retour au romantique.

Partir le plus loin possible donc pour revenir au plus près des problématiques « terrestres ». Si les chants de l’utopie exploratrice continuent d’exercer une très forte attractivité, c’est pour mieux féconder les champs de la reconquête du quotidien et de la proximité.

(Texte publié avec l’aimable autorisation de Zéro deux)