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Zenita Komad

PNatalia Grigorieva
@12 Jan 2008

Il est impensable de dissocier les œuvres de Zenita Komad de son personnage. Parce que l’artiste se plaît à s’y mettre en scène ou à y impliquer ses proches, mais aussi parce que ses créations servent les rituels de la vie quotidienne et établissent un lien actif avec le spectateur. Les aventures personnelles de l’artiste sont leur terreau.

«Are you taking yourself serious?» Cette question posée par un tableau annonce la couleur: le spectateur est sur le point de vivre une expérience étrange et il lui faudra une bonne dose d’humour, ainsi qu’un sens aigu de la dérision, pour en retirer un maximum de jouissance. Fidèle à elle-même, Zenita Komad est à l’origine d’une exposition déjantée et conviviale où une œuvre peut éventuellement servir de table ou de divan.

Zenita Komad construit son œuvre comme on construit une ville. La sienne s’appelle Zenita City et n’a rien à envier au Pays des Merveilles d’Alice. Elle en serait même une version encore plus délirante, ses personnages seraient encore plus loufoques.

Des ginsengs multicolores poussent des toiles pour étaler leurs racines par terre et, à l’occasion, délivrer des messages de paix comme «Stop World War». Un doigt géant s’échappe d’une toile noire et guide les spectateurs vers Mother and Child, des cuillers géantes recueillant de la peinture bleue — le bleu de Klein — qui s’écoule de trois seins placés quelques mètres plus haut. Un tableau doté d’une trompe d’éléphant, un autoportrait en crabe extraterrestre, une robe-tablier «Clear your Mind»… ce sont autant d’énigmes que le spectateur peut s’amuser à résoudre.

Ce travail aux facettes multiples inquiète et rassure à la fois. Rassure, car les personnages de Zenita Komad semblent extrêmement sympathiques et pétris de bonnes intentions. Inquiète, car cette relation directe et active avec les œuvres bouscule les habitudes des spectateurs habitués à la contemplation et à la passivité de ce qui pend aux cimaises.

La logique est perturbée, les pistes sont brouillées. Il est impossible de saisir le sens véritable des formules mystérieuses inscrites sur les tableaux ou de comprendre pourquoi tel mot est associé à tel objet, pourquoi telle image s’accorde avec tel symbole. Cette confusion ressemble à s’y méprendre aux séquences d’un rêve composé selon le principe énoncé par Sigmund Freud: des images vues, des expériences vécues se superposent et se recomposent pour former un tout anarchique, sans queue ni tête.

Et cela vaut aussi bien pour les sujets abordés que pour la technique mise en œuvre pour les réaliser. En véritable touche-à-tout, Zenita Komad s’attaque à la peinture, au collage, à la sculpture, à la vidéo, à la performance et mélange joyeusement ces médias de telle sorte qu’il devient impossible de définir la nature du résultat.
Que peut bien être un château de cartes ou les cartes ont été remplacées par des toiles? Et une peinture dont s’échappe une forme en trois dimensions? Est-ce encore de la peinture? De la sculpture? De l’installation de peintures-sculptures?

Zenita Komad a rarement présenté ses œuvres délirantes hors des frontières de son Autriche natale. La galerie Suzanne Tarasiève présente sa première exposition personnelle en France dont le but non-dissimulé et presque atteint est de mettre de la peinture partout sauf sur les cimaises.

Zenita Komad :
— Mother and Child, 2006. Installation. Dimensions variables.
— Selfportrait, 2006. Techniques mixtes. 200 x 130 x 50 cm.
— Ginseng to Actionism, 2006. Techniques mixtes. 200 x 200 x 60 cm.
— Pray!, 2006. Peinture. 150 x 110 cm.
— Presence, 2006. Techniques mixtes. 150 x 110 x 20 cm ?

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