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Yves Zurstrassen

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@12 Jan 2008

Une dynamique de formes, de flux, d’énergies connecte entre elles les peintures de Zurstrassen, des petits formats aux tableaux de dimensions démesurées. Contamination, scission, contagion, combinaison, propagation, le jeu des formes et leur mise en circulation assimilent la toile à un organisme vivant, véritable épiderme sensible. L’espace (de la représentation) devient champ (d’expériences).

Malgré sa mort maintes fois proclamée, la peinture continue bel et bien d’exister dans les ateliers et sur les murs des galeries. Cette question de l’achèvement du médium traverse de manière récurrente son histoire: menacée par la multiplication des moyens mécaniques de reproduction du réel, et notamment par la photographie dont l’invention a bouleversé le régime traditionnel des images, la peinture serait désormais frappée d’obsolescence et donc condamnée au déclin.
Exposées pour la première fois dans la galerie Xippas, les huiles sur toile du peintre belge Yves Zurstrassen vont à l’encontre de ces pronostics alarmistes un peu trop vite décrétés. En effet, dégagée de la prise en charge du réel, la peinture est peut être aujourd’hui, pour cette raison même, le médium le plus libre et le plus apte à questionner l’ordre de la représentation.

Avant d’accéder à l’étage supérieur de la galerie où nous attendent vingt sept petits formats (sur trente six), on est d’abord saisi par la présence monumentale de trois tableaux aux dimensions démesurées (Ouverture #1, Décollage #1 et Décollage #4), à l’intérieur desquels la couleur noire et des tons majoritairement bleus pastel se partagent le territoire pictural. Le regroupement de ces pièces dans le même espace met en évidence la dynamique des réseaux — de formes, de flux, d’énergies — qui les connectent les unes aux autres.
Si dans Ouverture #1, huile sur toile de deux mètres sur trois, les taches et les formes rectangulaires — ces dernières dessinant de petites fenêtres à l’intérieur même du tableau — semblent figées dans le fond noir, en revanche, dans Décollage #1 et Décollage #4, elles s’en libèrent avec une vitalité qui exprime l’intensité de leurs rapports de forces. Délivrées de la masse sombre qui les retenait, les différentes figures géométriques cherchent alors à se phagocyter mutuellement. Passant d’un état de pesanteur (Ouverture #1) à l’agitation chaotique (Décollage #1 et Décollage #4), les cellules colorées aux contours indécis se subdivisent, augmentant ainsi leur nombre.

Sous l’effet de cette prolifération, l’espace (de la représentation) devient champ (d’expériences). En effet, si ces œuvres s’inscrivent bien dans une histoire, du reste parfaitement assumée, des formes et des styles — Action Painting, abstraction lyrique, collage, etc. —, Yves Zurstrassen explore de nouvelles pistes délestées de tout poids nostalgique. Avec les moyens de la peinture, il esquisse des voies singulières situées, ici, aux confins du biologique. Contamination, scission, contagion, combinaison, propagation, le jeu des formes et leur mise en circulation d’un champ pictural à un autre assimilent la toile à un organisme vivant, véritable épiderme sensible.

Ces mouvements qui travaillent l’ensemble des œuvres prennent, avec les nombreux modules de taille réduite, une direction franchement musicale. Présentées dans des caissons noirs, ce qui accentue le contraste des couleurs, leur légèreté et leur dissémination les distinguent de la frontalité massive des pièces précédentes. Jouant sur les intervalles entre les différentes pièces, l’accrochage extraordinairement rythmé ordonne, dans une profusion de motifs géométriques et colorés, une succession subtile de «suites» et de «variations» purement musicale. Pauses, silences, improvisations, ruptures, reprises, répétitions, ponctuation : la composition picturale déroule un vocabulaire harmonique. En identifiant le mur à une portée, on a le sentiment d’atteindre à un espace pleinement sonore sans jamais entendre une seule note de musique. Paradoxale beauté d’une peinture qui en appelle autant au regard qu’à l’ouïe.

Yves Zurstrassen
Sauf indication, les œuvres exposées datent de 2001 et sont des peintures à l’huile sur toile marouflée sur bois.
— Rêverie #4. 15 x 23 cm.
— Ouverture #15. 30 x 40 cm.
— Ouverture #2. 23 x 27 cm.
— Variation #2. 23 x 15 cm.
— Composition #39. 15 x 23 cm.
— Fragments #4. 27 x 23 cm.
— Décollage #6. 15 x 23 cm.
— Composition #28. 15 x 23 cm.
— Ouverture #7. 34 x 38 cm.
— Variation #13. 30 x 40 cm.
— Jazz #1. 12 x 23 cm.
— Ouverture #5. 26 x 30 cm.
—Variation #8. 27 x 23 cm.
— Variation #3. 23 x 15 cm.
— Variation #10. 23 x 12 cm.
— Rêverie #3. 15 x 23 cm.
— Variation #1. 26 x 30 cm.
— Variation #9. 26 x 30 cm.
— Rêverie#9. 34 x 38 cm.
— Variation #14. 23 x 55 cm.
— Ouverture #9. 15 x 35 cm.
— Ouverture #13. 15 x 35 cm.
— Ouverture #14. 23 x 27 cm.
— Composition #13. 23 x 27 cm.
— Ouverture #11. 23 x 55 cm.
— Variation #6. 12 x 23 cm.
— Ouverture #4. 12 x 23 cm.
— Composition #38. 12 x 23 cm.
— Fragments #3. 32 x 28 cm.
— Rêverie #2. 12 x 23 cm.
— Rêverie #1. 12 x 23 cm.
— Jazz #6. 23 x 55 cm.
— Ouverture #10. 15 x 23 cm.
— Ouverture #8. 26 x 30 cm.
— Composition #32. 12 x 23 cm.
— Rêverie #7. 30 x 40 cm.
— Décollage #4, 200&. Huile sur toile. 150 x 420 cm.
— Ouverture #1, 2001. Huile sur toile. 200 x 300 cm.
— Décollage #1, 2001. Huile sur toile. 150 x 280 cm.

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