DANSE | INTERVIEW

Yves-Noël Genod

Après je peux/oui et la Mort d’Yvan Ilitch, Yves-Noël Genod présente sa dernière collection, Chic by accident dans l’Étrange Cargo de la Ménagerie de Verre. Il revient sur son travail de dispariteur dans cette pièce pour un groupe d’acteurs et leur disparition.

Que conservez-vous précieusement de votre formation d’interprète lorsque vous mettez en scène?
Yves-Noël Genod: Rien et tout. Je comprends les acteurs. Ça a été longtemps la seule qualité que je me reconnaissais. Depuis quelque temps, je suis devenu plus prétentieux et les acteurs sont devenus plus sauvages.

De cette pièce, vous dites qu’elle est cousue sur mesure, qu’elle s’enroule autour des comédien: quelques mots sur sa genèse?
Yves-Noël Genod: La pièce s’est construite à partir des auditions. La salle de la Ménagerie de Verre s’est libérée par hasard quelques jours en décembre 2011, j’ai décidé de faire des auditions parce que j’adore ça. J’ai rencontré très vite Charles Zevaco et Wagner Schwartz. Ce sont eux qui ont donné le ton de la collection. Je me suis référé ensuite à ces premiers jours, en particulier pour le déshabillé obligatoire.

Qu’avez-vous voulu traiter une fois ensemble?
Yves-Noël Genod: Le vivant.
Ça aussi, ça a été clair dès le début — voyez comme je suis devenu prétentieux.
Plus précisément, je venais de proposer un diptyque sur la vie, pratique et théorie, au Théâtre de la Cité internationale. Un volet pratique, très joué, par une troupe comme une famille d’acteurs et un volet théorique qui existe dans la disparition de cette troupe: aucun acteur, uniquement un son & lumière.
Pour la Ménagerie que j’étais vraiment heureux de retrouver — ce laboratoire, un des meilleurs du monde — il fallait aller plus loin, travailler avec un groupe important d’acteurs et avec leur disparition en simultané.

Je me consacre à la loi merveilleuse de la cause et de l’effet. En fait, à la loi merveilleuse de la simultanéité de la cause et de l’effet, à l’enseignement de la fleur de lotus qui est à la fois la fleur et les fruits.

Une décision profonde est équivalente à un résultat immédiat.

Comment rencontrez-vous ou choisissez-vous les acteurs avec lesquels vous travaillez?
Yves-Noël Genod: Par désir. Philippe Gladieux — éclairagiste de la pièce — a dit tout à l’heure: «Quand je me mets à tomber amoureux de tous les gens qui participent à un travail, je sais qu’il est réussi».
C’est vrai.

Que dire des errances des acteurs sur le plateau? des rencontres à peine dites qui adviennent?
Yves-Noël Genod: Tant qu’on voit des errances, ce n’est pas encore là. Nous visons la plénitude sinon rien. Voyez la prétention. Georges Bataille a donné une image pour le concept de souveraineté qu’il a inventé: celle de la vache dans le pré. Je ne crois pas à l’errance.

Les noirs comme des tombés de rideau derrière lesquels rien ne s’arrête accentuent une durée continue et fragmentée. La lumière accompagne, souligne, inclut… Qu’est-ce qui vous a amené à travailler avec Philippe Gladieux?
Yves-Noël Genod: Un miracle. Une rencontre. Si ce mot a un sens. Il est venu vers moi au théâtre de la Bastille et il m’a dit: «Voilà, je suis disponible, j’aimerais bien, peut-être, te proposer des choses». Je n’avais pas d’argent à lui proposer et je ne cherchais personne, lui savait tout ça.
Il a été là, peu à peu, d’abord sa gentillesse s’est imposée puis, ensuite, bien sûr, son immense talent.

Comment s’écrivent les parcours dans l’espace?
Yves-Noël Genod: Par oubli et mémoire.

Le dépôt des différentes «apparitions» à l’intérieur d’une continuité palpable plonge dans une attention à la fois intense et flottante: quelle place accordez-vous au témoin «spectateur»?
Yves-Noël Genod: Tout se passe en lui, dans son noir intérieur. C’est toute l’astuce. Arriver à déclencher en lui la production d’images.

Vous évoquiez l’impossibilité de répéter le vivant qui advient lors du jeu des acteurs. Qu’est-ce qui entraîne à recommencer tout de même?
Yves-Noël Genod: Ce paradoxe: le théâtre.

Que nous veut ce maquereau?
Yves-Noël Genod: Ah, ça… Le poisson… Des livres entiers, immémoriaux… Botho Strauss parle dans Grand et Petit de la pomme qui est «déjà plus qu’une chose, presque un symbole».

Un matelot apprend-il à voler?
Yves-Noël Genod: Si quelqu’un le voit…

Jeanne Balibar est-elle de ce monde?
Yves-Noël Genod: Pas complètement.
François Truffaut disait de Fanny Ardant: «Elle vient d’un pays qui n’existe pas».
C’est le plus beau compliment qu’on puisse faire à une actrice.

Peut-on vivre et mourir, nu et sandales dorées?
Yves-Noël Genod: Absolument.

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