ART | CRITIQUE

Yves Bélorgey et Stefan Hirsig

PLoïc Fel
@12 Jan 2008

Avec Yves Bélorgey et Stefan Hirsig sont proposées deux réflexions divergentes sur la peinture, mais aussi deux modalités de la nostalgie : après l’échec des utopies de la vie communautaire imaginée par les urbanistes de années 60, après la fin des années pop aux résonances psychédéliques.

La série des huiles sur toile d’Yves Bélorgey représente des bâtiments réalisés dans les banlieues de Londres par des architectes célèbres (Alison et Peter Smithson, Alan Forsyth et Gordon Benson, etc.). De grand format, ces toiles au rendu lisse et aux couleurs pastelles mais vives sont empreintes d’utopie. Pourtant, et l’actualité sociale l’atteste, les projets sociaux associés à ces architectures n’ont pas toujours abouti aux résultats escomptés.

Aussi, par leur taille et la force de leurs perspectives, ces toiles nous donnent la sensation de pénétrer dans des visions passées, dans un espace à la fois existant et illusoire. L’expérience esthétique suscite une réflexion sociale.
Yves Bélorgey travaille depuis plusieurs années sur cette thématique. Cette recherche a une double fonction. Non seulement elle permet de s’interroger sur l’architecture fonctionnaliste initiée par Le Corbusier, mais aussi sur les possibilités de la représentation elle-même.

En ce qui concerne l’histoire de ce mouvement architectural, Yves Bélorgey semble le suivre chronologiquement au fil de ses expositions. Il élargit son champ d’investigation de la France à l’Europe entière, interrogeant ainsi la prétention d’universalité de cette architecture.
Plus encore, cet exercice permet au peintre de tester les fondements de la peinture moderne en s’attachant à des perspectives rigoureuses dont l’efficace mimétique produit un effet quasi photographique. Mais en même temps, il prend parti dans le débat devenu traditionnel depuis le XIXe siècle sur la place de la peinture face à la photographie.
Ces toiles, par des choix esthétiques clairs, incarnés dans des coloris particuliers qui restituent une impression onirique, montrent que la représentation figurative picturale a encore une fonction : elle permet de fixer l’objet représenté en dehors de la réalité pour en exposer la portée symbolique.

Dans deux salles adjacentes, sont présentés, à la fois au mur et au sol, les collages de Stefan Hirsig, qui ont quelque chose de ludique. Composés de bois et d’objets tels que des pochettes et disques en vinyle des années 80-90, ils sont rehaussés de peintures acryliques laquées aux couleurs saturées et aux structures nettes.

Stefan Hirsig rattache sont travail à une démarche picturale, mais celle-ci implique également l’utilisation des volumes. Avec les collages et une organisation de ces structures éclatées de façon à créer des ensembles cohérents, la peinture explore la troisième dimension. Ces œuvres sont jubilatoires tout en véhiculant une forme de nostalgie avec les souvenirs personnels de l’artiste, incarnés dans des objets issus de sa propre adolescence.

La peinture est mise à l’épreuve, aux limites de la figuration, puisque les seules figures identifiables ne sont pas du fait de l’artiste mais empruntées aux objets du quotidien insérés dans les œuvres sans modification majeure.
Ces œuvres oscillent entre la peinture, lorsqu’elles sont exposées accrochées au mur, et la sculpture, lorsqu’elles sont présentées au sol. Elles contribuent à une exploration des limites traditionnellement tracées entre les différents arts. L’unité de l’ensemble semble le constituer en «installation».

Avec Yves Bélorgey et Stefan Hirsig sont proposées deux réflexions divergentes sur la peinture, mais aussi deux modalités de la nostalgie : après l’échec des utopies de la vie communautaire imaginée par les urbanistes de années 60, après la fin des années pop aux résonances psychédéliques.

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