ART | EXPO

Youcef Korichi, Romain Bernini

09 Sep - 29 Oct 2011
Vernissage le 09 Sep 2011

Au premier abord, les tableaux de Romain Bernini et de Youcef Korichi semblent issus de traditions picturales bien distinctes, mais les deux artistes partagent un intérêt commun pour la représentation dʼune figure humaine isolée, perdue dans un maelstrom quasi psychédélique.

Youcef Korichi, Romain Bernini

Chez Romain Bernini, ces figures se distinguent par leur ambiguïté. Les visages sont souvent masqués. Des corps flottent à la surface de lʼeau. On ne peut jurer quʼils sont morts, mais on ne peut pas ne pas songer aux esquifs de fortune des migrants qui font naufrage dans leur tentative désespérée dʼatteindre les côtes siciliennes. Plus loin, un homme lance dans notre direction un projectile, tandis quʼexplosent tout autour de lui des fumigènes rose fuchsia censés disperser les manifestants. Un autre exhibe un serpent comme les charmeurs de reptiles en Inde ou au Maghreb: le corps de lʼanimal et le bras de lʼhomme forment une drôle de potence de pendu.

Ailleurs, plusieurs personnes nous tournent le dos: elles semblent adresser une prière au soleil couchant, si bien quʼon pense à quelque cérémonie secrète dʼune secte millénariste. Une danseuse de revue, enfin, nous fait face, arborant un somptueux costume en plumes de cygne. Celui-ci se délite néanmoins, liquéfié par les coulures. Toutes ces images sont en effet minées par la représentation picturale, laquelle leur confère la dimension de fragments de souvenirs, de rêves. Les fonds liquides et aquarellés des tableaux, aux couleurs irréelles, évoquent les vapeurs dans lesquelles la Pythie de Delphes puisait ses visions. Ces images semblent nous dire que lʼépoque est trouble, que nous en interprétons les événements comme nous pouvons, car nous ne parvenons plus à saisir le réel de manière objective.

Dans les tableaux de Youcef Korichi, le rapport entre la figure et le fond est moins onirique, quand bien même certaines images, tel ce corps sectionné en deux, pourraient relever du cauchemar. Les formes y sont plus tangibles. La représentation est hétérogène: des zones hyperréalistes cohabitent avec dʼautres plus «painterly», ces contrastes générant des ruptures dʼespaces. Un homme se tient appuyé sur un trône rouge et or qui rappelle le portrait du pape Innocent X par Diego Velasquez, et par extension les réinterprétations quʼen livra Francis Bacon. Lʼarrière-plan est rapidement esquissé, la lumière tombe sur les mains jointes en une sorte de prière, mais le mouvement de torsion qui les anime trahit une angoisse tendue.

Dans un autre tableau, quelques couvertures pendent très simplement sur des tréteaux, tandis que le sol de graviers révèle une facture plus que réaliste. Dans ces nouvelles oeuvres, les sols apparaissent comme une métaphore de la vie intérieure des modèles. À plusieurs reprises, lʼartiste fait évoluer ses figures sur des pavements géométriques qui évoquent tout à la fois la Renaissance italienne et lʼOp Art. La perspective quʼinduit la géométrie bichromique agit ici comme un contrepoint rassurant aux zones picturales plus libres. Elle forme un socle de rationalité, mais on pressent toutefois que son équilibre est fragile. En effet, on imagine aisément que le sol pourrait brusquement sʼouvrir, et engloutir ces personnages en proie au doute, qui tentent de résister à la violence de lʼépoque en puisant en eux une force intérieure salvatrice.

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