ART | CRITIQUE

You Must Enjoy It Like This !

PMarie-Jeanne Caprasse
@12 Jan 2008

Trouble, ambiguïté, mystère: des tableaux de Simon Willems à l’humeur noire. Huiles sur toile, grand ou petit format, le sujet est dense, précis, maîtrisé.

Trouble, ambiguïté, mystère. Simon Willems prend ses sujets au cœur du quotidien et les transpose dans le cadre pictural en y glissant une touche subtile d’imaginaire. Cultivant le sens du détail et l’aspect figé de la représentation, il introduit une faille dans le réel et fait accéder le regardeur à une dimension surnaturelle, où familiarité et déconcertation cohabitent.

Sa palette, rappelant les teintes surannées des images des années 60, laisse aujourd’hui davantage de place aux gris et aux noirs. Ce qui rend ses toiles plus sombres, comme marquées par une catastrophe qui aurait déjà eu lieu et laisserait planer un voile de désastre et de solitude sur la terre. C’est un monde anéanti qu’il représente.

Le cadre est urbain, les hommes sont en retrait, étrangers à ce monde qui les dépasse. I Think We’re Alone Now, c’est notre solitude dans l’univers, la vacuité de la vie rongée par les ténèbres.

Mais Willems évoque également notre emprisonnement idéologique par sa vision ironique des obligations culturelles à penser ou ressentir les choses de la même manière.

You Must Enjoy It Like This est un autoportrait : son visage, vu en gros plan, est comme projeté sur un mur gris, la bouche obstruée par une grosse pomme. Des micros évoquant un studio d’enregistrement viennent renforcer cet effroyable mutisme dans lequel le peintre est plongé. S’en dégage une impression d’absurdité et de souffrance liée à l’impossibilité de l’expression individuelle. C’est comme ça que vous devez l’apprécier… Ou quand la société décrète ce que vous devez penser ou ressentir.

Le peintre construit un univers glacé où la vie des hommes est suggérée par les traces qu’ils laissent sur le monde, par les objets qu’ils fabriquent ou abandonnent sur leur chemin. En droite ligne de sa série sur les squelettes d’animaux, Ongoing Seed Project figure des petits dinosaures en plastique jetés sur le sol, éparpillés et effondrés les uns sur les autres. La vision noire et le traitement en couleurs sombres, fanées par un perpétuel ajout de gris, sont constitutives d’une volonté de mise à distance du réel.

Willems peint le monde comme s’il s’en était retiré, un monde figé et emprisonné dans un passé révolu. Ce qui nous laisse une étrange impression, où se mêlent la nostalgie et la pertinence d’une vision qui regarde en face les réalités de notre être au monde.

English translation : Begüm Sekendiz Boré.

Simon Willems :
— Ongoing Seed Project, 2006. Huile sur toile. 41 x 51 cm.
— I Think We’re Alone Now , 2006. Huile sur toile. 51 x 61 cm.
— Far And Wide , 2006. Huile sur toile. 152 x 183 cm.
— Half Life, 2006. Huile sur toile. 61 x 91 cm.
— Cause and Effect, 2006. Huile sur toile. 122 x 152 cm.
— We Were Bored Before We Even Began, 2005. Huile sur toile. 84 x 106 cm.

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