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You

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@12 Jan 2008

Joseph Grigely met en œuvre son handicap: la surdité. Il expose des bouts de papiers recouverts de mots, de phrases, de textes: autant de relais quand la lecture sur les lèvres de ses interlocuteurs ne suffit plus, lorsqu’il faut passer par l’écrit. Le spectateur, tel un malentendant, fait l’expérience d’un dialogue de sourds.

Toute la démarche artistique de Joseph Grigely est liée à son handicap — la surdité. Dans son œuvre, l’artiste vise à révéler les bouleversements qu’une telle déficience sensorielle peut engendrer dans les relations avec le monde extérieur. Pour cela, il travaille sur les décalages entre les langages oral et écrit, mettant en scène les écarts existant entre parole et écriture.

Grigely expose des bribes de conversations sous la forme de bouts de papiers recouverts de mots, de phrases, de textes, qui sont autant de témoignages de communications orales limitées, lorsque la lecture sur les lèvres de ses interlocuteurs ne suffit plus, lorsqu’il faut passer par l’écrit. Ces « paroles » écrites, l’artiste les conserve puis les utilise pour des installations qui confronte le spectateur à la surdité. Privé de l’oralité des conversations, celui-ci fait, tel un malentendant, l’expérience d’un dialogue de sourds et des risques de mauvaise compréhension.

Les œuvres visuelles sur papier sont présentées conjointement à une œuvre sonore, You, dont le son est diffusé par un chapelet de haut-parleurs pendu au plafond de la salle d’exposition. Le son donne du volume aux noms inscrits sur les papiers et crée un espace dans lequel les œuvres entrent en résonance. Par ces interactions, Grigely situe son travail entre parole et écriture, dans cet interstice où les mots, leur sens et leur interprétation fluctuent sans cesse. Dès lors, même les noms des personnes peuvent être frappés d’incertitude et échouer en un charabia inaudible : « you ». L’œuvre You nous oblige à tendre l’oreille pour tenter de saisir ce qu’énoncent des voix dans des langues et avec des accents différents. Déchiffrant plus qu’il n’entend, le spectateur n’a aucune certitude sur ce qui est réellement prononcé. Il est plongé dans le doute et le malentendu. C’est pourtant un seul et même nom qui est prononcé, et écrit en toutes lettres sur l’un des papiers : Ed Ruscha. Comme Grigely, on est obligé de recourir à l’écriture pour comprendre ce qui est dit.

Face à l’importance contemporaine de la communication orale — télévision, téléphone, radio, etc. —, Grigely s’adresse à « nous les entendants » pour nous faire prendre conscience de nos paroles. Sous leur évidence et leur fluidité apparentes, elles mobilisent des systèmes complexes aussi bien biologiques que culturels — alphabet, langue, accent, etc.

Joseph Grigely :
— Rita McBride, 2001. Pigment print. 86,5 x 119 cm.
— Elizabeth, 2001. Pigment print. 86,5 x 119,5 cm.
— Wolfgang Winkler, 2001. Pigment print. 117 x 89 cm.
— Hilke / Kellie, 2001. Pigment print. 87 x 119,5 cm.
— Ed Ruscha, 2001. Pigment print. 87 x 119 cm.
— Frans Cie, 2001. Pigment print. 87 x 119,5 cm.
— Jenaba, 2001.Pigment print. 117 x 88,5 cm.
— Yoko Ono/Emily Harvey, 2001. Pigment print. 87 x 119,5cm.
— You, 2001. CD-audio. 7’30’’. Avec la collaboration de Amy Vogel.

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