ART | CRITIQUE

Yang Fudong

PMuriel Denet
@12 Jan 2008

Vidéos, photos, films: pour exprimer sans didactisme les frustrations latentes, la désorientation, de la génération des jeunes Chinois de l’après-maoïsme privés de toute prise sur le réel.

Liu Lan raconte l’éternelle histoire de l’éveil amoureux, dans le décor idyllique d’un lac étale, de bambous, et de pirogues glissant dans les miroitements du soleil couchant. Mais l’art de Yang Fudong est un art de l’équivoque. Le noir et blanc, baveux ou délavé, les effets de scintillation de l’image, et les cadres édifiants, serrés ou en contre-plongée, font virer ces citations de la cinématographie chinoise, au rêve ou au cauchemar.

Les sept jeunes intellectuels qui s’appliquent à un remake de The Seven Sages of the Bamboo Grove s’avèrent plus poseurs que penseurs. Flottant dans le décor mythique de la Montagne jaune, entre pins, sommets et nuages, comme dans un lavis traditionnel, leur confrontation à l’infini ne produit que de bien piètres méditations à relents individualistes. Le terrain balisé par des installations touristiques suggère l’artificialité de l’expérience. D’ailleurs, pour atteindre les sommets, c’est dans le sens de la descente que la cabine du téléphérique glisse dans un paysage onirique de lumière et de précipices.

L’ambiguïté des situations, l’ambivalence des personnages, poussée jusqu’au dédoublement de personnalité dans City Light, et leur frustration latente, expriment, sans didactisme aucun, la désorientation d’une génération — celle de l’artiste – privée de toute prise sur le réel. Elle culmine, dans la parodie sarcastique de Honey, jeune femme équivoque, tout à la fois mannequin de mode, courtisane, et milicienne. Souriante et lisse, elle incarne la fusion trouble du libéralisme triomphant, de la soumission ancestrale et de l’idéal révolutionnaire.

Don’t Worry, it Will Be Better… claque comme un slogan publicitaire sur des photos grand format, qui représentent quelques jeunes gens, livrés à l’oisiveté dans une chambre d’hôtel de Shanghai. Mais que nous montre l’image : l’attente de cet avenir prometteur, ou bien ce futur enfin advenu, qui ne serait voué qu’à la vacuité des zones de transit ? La Chine, à son tour, entre dans l’ère du doute et du soupçon.

Yang Fudong
— Liu Lan, 2003. Vidéo, DVD. 14’.
— City Ligh, 2000. Vidéo, DVD. 6’.
— Honey. Huit photos couleur. 70 x 50 cm chacune.
— Don’t Worry… . Deux photos couleur. 90 x 125 chacune.
— Seven Intellectuals in Bamboo Forest, Part One, 2003. Film noir et blanc 35 mm sur DVD, musique : Jin Wang. 29’30.
— Backyard. Hey. Sun is Rising, 2001. Film noir et blanc 35 mm sur DVD, musique: Zhou Qing. 13’.

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