ART | EXPO

WTF?!

18 Mar - 10 Avr 2011
Vernissage le 17 Mar 2011

À la recherche d’images inattendues et perturbatrices, Carine Bigot prélève et collecte toutes sortes de bizarreries qui apparaissent sur son écran d’ordinateur.

Carine Bigot
WTF?!

Un glitch désigne généralement une défaillance électronique ou électrique qui correspond à une fluctuation dans les circuits électroniques ou à une coupure de courant. Ce qui entraîne un dysfonctionnement du matériel informatique (hardware), qui occasionne à son tour des répercussions sur les logiciels (software). Le mot glitch en est venu à désigner tout type de problème en informatique. Le glitch se différencie du «bug» qui est un dysfonctionnement inhérent à la conception même du programme informatique.

L’esthétique Glitch, apparue à la fin des années 1990, se rattache avant tout aux musiques électroniques. Des travaux pionniers de Yasunao Tone, en passant par Markus Popp aka Oval, la musique Glitch se fonde sur l’esthétique de l’échec (Kim Cascone). Ces artistes, et bien d’autres présents notamment sur les compilations Clicks and Cuts du label allemand Mille Plateau, en altérant des cds ou les dispositifs de reproduction du son, obtinrent des résultats inattendus, composés de nuages de particules sonores complexes, répétitifs.

Sans jamais avoir été politisé, le Glitch était une réaction au discours véhiculé par les nouvelles technologies de l’information. Un discours basé sur la pureté, la fluidité du flux communicationnel et la transparence des techniques de reproduction ayant pour objectif de faire croire qu’il n’existe plus de différence entre la copie et l’original.

Tony Scott fut certainement le premier à collecter des Glitch visuels mis en ligne sur son site beflix.com. Fruits d’erreurs venant perturber le cheminement complexe des données et de leur visualisation via des interfaces, ces images fugaces possèdent des caractéristiques similaires à celles évoquées plus haut pour le son (fragmentation, complexité, linéarité).

Si pour certains puristes le Glitch ne peut être issu de manipulations volontaires visant à produire des erreurs ou à imiter les images résultant de dysfonctionnements, certains artistes se sont intéressé à ce qui provoque ces erreurs: branchements hasardeux volontaires ou involontaires, logiciels détournés de leur fonction première ou de leur utilisation prescrite par les éditeurs de logiciels et marques de produits informatiques.

Caleb Kelly, dans son essai Cracked Media: The sound of malfunction, rapproche ces pratiques de ce que Michel de Certeau appelle des «tactiques». Pour ce dernier, les «tactiques» sont ces manières de faire qui exploitent les failles du système, détournant les usages imposés par des stratégies commerciales.

Ces erreurs ainsi appréhendées deviennent les révélateurs des processus cachés par des interfaces graphiques toujours plus attrayantes et ergonomiques. La graphiste autrichienne Angela Lorenz, associée à l’esthétique Glitch, considère quant à elle que l’erreur ne se trouve d’ailleurs pas tant au niveau des machines que de ceux qui les utilisent. L’erreur est considérée par l’artiste plus comme inhérente aux normes qui façonnent notre perception, que le produit d’un dysfonctionnement des dispositifs techniques.

La démarche artistique de Carine Bigot s’inscrit dans ce processus qui va du constat de l’erreur à la réflexion sur ce qui peut apparaître comme une erreur: «À la recherche d’images inattendues et perturbatrices, je prélève et collecte toutes sortes de bizarreries qui apparaissent sur mon écran d’ordinateur. Leur côté éphémère, leur durée de vie limitée, difficilement saisissable, rare, leurs confèrent finalement un caractère précieux. Leur spécificité volatile m’a donné envie de les figer, d’en garder une empreinte, une trace. Cette collecte qui va du réel dysfonctionnement à des erreurs de manipulation venant de ma part a peu à peu évolué. Je me suis interrogée progressivement sur ce qui à mes yeux, représentait ou s’approchait du « bug ». Pour cela je me suis attardée sur cette notion d’erreur, de défaut et d’accident, afin d’en saisir tous les aspects et comprendre l’attitude de rejet que nous adoptons conventionnellement envers ces éléments.»

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