ÉCHOS
10 Mar 2011

Workshop de grève à l’Ensad. Histoire d’un malaise

PCommuniqué de presse
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Les étudiants de l’Ensad font grève pour dénoncer le malaise qui paralyse leur école. Au terme de deux semaines de réflexion collective, ils présentent leurs revendications pédagogiques sous la forme d’un workshop.

Histoire d’un malaise
Nous avons beaucoup de chance d’être à l’Ensad. Après un concours difficile, nous avons le privilège de bénéficier d’un bâtiment incroyable au cœur de Paris, des plus grands noms de la profession comme enseignants et d’un budget colossal. Pourtant, il existe aujourd’hui un réel malaise au sein d’une partie des étudiants et des enseignants, c’est ce malaise qui a engendré le workshop de grève qui se déroule aujourd’hui à l’Ensad.

En effet, il existe un fossé entre l’image de l’école que les élèves se font en y rentrant (chance, excellence, travail, renommée), et ce qu’ils y trouvent aujourd’hui: des enseignements fermés, voire verrouillés, peu de place à l’expérimentation, un fonctionnement obscur de l’école et de ses instances, et des projets parfois très difficiles à mettre en place.

Le malaise éclate il y a quelques mois, en décembre, lorsque nous apprenons subitement que l’atelier de morphostructure doit déménager… Ce qui a, petit à petit, provoqué des réunions de secteurs entre élèves pour faire le bilan de l’état actuel de leur spécialité (place, budget, professeurs, techniciens, enseignements, partenariats). Ces réunions ont donné lieu à d’autres assemblées générales où ont été exprimées les inégalités flagrantes entre les secteurs, mais surtout l’émergence d’une volonté commune de changements concernant la pédagogie et le fonctionnement de l’école.

Nous avons alors appris l’existence d’un mouvement similaire au nôtre au sein de l’équipe des enseignants qui, après plusieurs réunions, ont fini par rédiger un texte envoyé à l’ensemble de l’école et à la presse, où ils dénonçaient les multiples dysfonctionnements de l’Ensad.
Face à l’échec de ce dialogue, à l’absence de mesures prises suite à cette réunion, nous avons décidé de nous mettre en grève et de créer un workshop de 2 semaines afin de créer, d’expérimenter et de discuter ce que pourrait être la pédagogie de l’Ensad aujourd’hui.

Le workshop
Face à un manque de confiance de la part de Madame Gallot et de certains enseignants en nos compétences pour penser l’école et réfléchir à son sens et à son organisation, nous nous sommes réunis afin de créer pendant 2 semaines notre école dans l’école.
Nous savons que nos envies de travail sont possibles, que d’autres schémas pédagogiques en école d’art existent en Europe et dans le monde.

Nous voulons durant 2 semaines redonner leur place à la transdisciplinarité et à l’expérimentation, redevenir acteurs de notre savoir, et non simples consommateurs, et définir quels rôles peuvent avoir élèves et enseignants dans la mise en place d’une pédagogie. Pendant 2 semaines, nous nous organisons en équipes autour de sujets proposés par les élèves eux-mêmes, afin de montrer par la création ce que nous voudrions que soit l’Ensad. En effet, chacun des projets aborde à sa manière notre réflexion et nos questionnements sur la pédagogie à l’Ensad, mais aussi plus généralement sur la façon dont est enseigné l’art en France. Ces 2 semaines s’accompagnent de débats et d’interventions de divers professeurs et techniciens venant questionner la pédagogie, la place de l’enseignement des arts et de l’élève dans l’école.

Au terme de ces 2 semaines, une exposition est organisée (vendredi 11 mars), afin de présenter l’ensemble de ces productions aux enseignants, personnels administratifs, techniciens, anciens élèves et personnalités de la profession. Le 11 mars sera aussi pour nous l’occasion d’aborder avec tous le fruit de nos réfléxions et de nos demandes vis-à-vis de l’Ensad.

Questionnements
«Vous avez de la chance d’être ici», nous répète-t-on depuis notre arrivée. Mais dans les faits, quelles possibilités nous donne-t-on d’exploiter cette chance?
— Quelle confiance l’école a-t-elle en sa propre pédagogie? Pourquoi l’école freine-t-elle les initiatives qui sortent du cadre conventionnel des cours alors qu’elle devrait les épauler? Pourquoi la direction s’interroge-t-elle sur la capacité des élèves à produire des réalisations de qualité?
Exemple: l’identité visuelle de l’école sous-traitée à l’extérieur, tout comme la communication sur les gros événements.
— Est-ce normal que le budget consacré à la communication des projets soit supérieur à celui pour leur élaboration?
— L’appropriation de l’espace et du temps de l’école
une école qui ferme à 21h45 et reste close pendant les vacances: au-delà du problème de l’accès aux ateliers, pourquoi ne pas permettre à l’étudiant de disposer plus librement des salles de travail?
— À qui l’école appartient-elle?

Une école d’excellence, qui forme l’élite! De l’ambition mais quelle pédagogie?
Pourquoi, au sein de la plupart des secteurs, n’y a-t-il pas plus de concertations pédagogiques? Qui discute des programmes, de la nature de la formation d’un étudiant?
Pourquoi n’y a-t-il souvent aucune coordination entre les professeurs?

L’ensad comprend dix secteurs. Formons-nous une ou dix écoles?
— Exploitons-nous réellement la transdisciplinarité?
Par exemple, les semaines inter-disciplinaires (ou plateaux) ont été raccourcies de moitié en l’espace de quatre ans.

— Pourquoi les projets pédagogiques n’exploitent-ils pas les multiples possibilités que les autres secteurs leur apportent?
Chacun essaie de pallier ses difficultés, sans tenir compte du fait que la réalité professionnelle est faîte d’associations de compétences.

Quelle est la place des sciences humaines, autres que l’histoire de l’art?

Les réformes de la quatrième année
Le stage: on place des cours au second semestre et on nous «recommande» d’effectuer nos stages pendant l’été alors que, dans le règlement intérieur il est spécifié que le second semestre est tout autant réservé aux stages. La période d’été est, comme chacun sait, une période creuse.
C’est aussi le moment où un grand nombre d’étudiants travaille pour payer leurs études.
On a mis pêle-mêle au second semestre: un mémoire de recherche et de réflexion, un stage professionnel, un échange à l’étranger pour découvrir une autre manière d’enseigner et, maintenant, des cours?
Le mémoire: alors que c’était auparavant un travail d’un an, mûrement réfléchi, il est aujourd’hui en compétition avec des cours et un stage.

Où sont les outils (d’écriture, de recherche…) qui nous permettent de le réaliser convenablement? Quel est son intérêt pédagogique, s’il se réduit à un travail bâclé plus proche du «cahier de tendance» que d’une vraie recherche?

Bien que le programme des cours d’anglais soit exhaustif dans le livret de l’élève, nous sommes face à un réel problème d’efficacité. L’école donne-t-elle toutes ses chances à cet enseignement?

Démocratie et transparence
Une école au fonctionnement opaque.

Les inégalités entre les secteurs
Comment justifier les différences énormes entre les sections, tant au niveau des budgets, de l’espace alloué, de la qualité des cours, que du nombre de professeurs?
Chaque section, chaque élève, doit avoir autant de chances que les autres d’avoir une formation de qualité.

La pauvreté de certains enseignements

— Quels sont les critères de recrutement des professeurs? Le phénomène de copinage met parfois en danger notre formation. Comment rendre le recrutement plus transparent et plus légitime?
— Les élèves sont les bénéficiaires directs de la pédagogie. Dans ces conditions, leur avis sur la qualité des enseignements qu’ils reçoivent devrait être réellement pris en compte.

Quel est le rôle du collège des coordinateurs?
— Est-il recevable que celui-ci ait autant d’influence aujourd’hui alors que le CER (Conseil d’étude et de recherche) n’a aucun pouvoir décisionnel et qu’il est juste informé des changements et des prises de décision?
— Est-il normal que certains professeurs puissent cumuler des mandats?
— Les élus, professeurs comme élèves, au CER sont-ils réellement écoutés?

Quel est le rôle du directeur des études?

Nous invitons les élèves, les professeurs et l’administration à réfléchir à ces inquiétudes et à s’unir face aux dérives menées par la Direction.

Blog du workshop: arts-deco.org

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