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Womb House

PMaxence Alcalde
@12 Jan 2008

La Womb House (maison-utérus) de l’Atelier van Lieshout est à la fois mobilier, architecture et œuvre d’art. C’est aussi une interrogation sur nos rapports avec l’environnement architectural et nos manières de l’habiter.

A la fin des années 1960, tout jeune rebelle se devait de se regrouper avec quelques autres chevelus pour former une communauté, consacrée à la fabrication de produits artisanaux et autres fromages de chèvre, le tout rendu plus supportable grâce à la liberté sexuelle. Mais, après quelques mois de ce régime « nature et patchouli », le jeune rebelle fuyait lâchement la ferme du Larzac pour rentrer à Paris et faire carrière dans la communication.
La situation a-t-elle réellement changé une trentaine d’années plus tard ? Oui, si on en croit l’expérience de Joep van Lieshout.

En 1995 Joep van Lieshout fonde AVL (Atelier van Lieshout) sorte de petite entreprise au fonctionnement « collégial » qui avait pour ambition de commercialiser les idées et les objets fabriqués et conçus par ses participants. D’entrée de jeu, l’artiste va ainsi à contre courant de la doxa selon laquelle un artiste doit être solitaire et ne pas s’occuper de business : van Lieshout commence mal !
Suite au succès commercial de l’entreprise, AVL se transforme en AVL-Ville, petite communauté autonome basée en Hollande. AVL-Ville oscille entre l’utopie fouriériste et la communauté des années 1960-1970 : maisons communes, partage des tâches, élevage de bétail, etc., à la différence que l’entreprise est prospère et profite de son statut particulier pour aussi se livrer à des activités illégales (distillation d’alcool, fabrication d’armes, émission de monnaie, etc.). Si AVL-Ville n’a pu tenir que quelques années, en revanche son principe de fonctionnement est encore actif aujourd’hui et c’est en partie à partir des objets produits par cette organisation que Womb House existe.

Ce qui frappe avec Womb House, c’est qu’il s’agit à la fois d’un mobilier — on pourrait même parler d’« objet d’art » dans le sens artisanal du terme —, d’une architecture, mais aussi d’une œuvre d’art.
Formellement, Womb House est un utérus géant aux couleurs sans équivoques rappelant les planches anatomiques de médecine. En réalité, cet objet est une sorte de nécessaire de camping très complet bien qu’un peu trash. L’entrée de cette maison-utérus se fait par un conduit qui donne accès à un lit et les deux trompes latérales contiennent un minibar, une douche, des toilettes, etc. : bref, tout le nécessaire à la survie en milieu hostile.
La chambre, qui se résume à un lit assez exigu, n’est pas sans rappeler les Loves Hotels japonais où chaque alcôve décorée avec toujours plus de mauvais goût, accueille des couples en mal de stimuli érotiques.

Au regard des croquis qui accompagnent cette pièce, Womb House est loin de se réduire à un simple lupanar. Comme dans la plupart de ses pièces, AVL interroge plus profondément nos rapports avec l’environnement architectural et nos manières de l’habiter.
En matière d’architecture et de design, AVL a déjà réalisé de nombreux projets d’extensions de bâtiments ou de véhicules, et créé du mobilier.

Avec Womb House, c’est d’une sorte d’anthropomorphisme architectural dont il est question, reflet d’une volonté d’habiter concrètement un organe du corps humain. Ce qui est proposé n’est ni une expérience « disneylandesque » d’un environnement, ni une expérimentation plus crue de nos organes, mais simplement une tentative de vivre autrement une architecture dont la forme serait dictée par la forme de nos organes.

Les dessins de Joep van Lieshout expriment ses préoccupations à propos des rapports intérieur/extérieur et organe/enveloppe corporelle. Non sans humour, ses saynètes souvent causasses suscitent une curiosité ludique et pédagogique pour son dispositif. On irait bien se réfugier seul, à deux, à trois, et plus si affinités, dans ce cocon à la fois régressif et festif qu’est Womb House.

Atelier van Lieshout:
— Womb House, 2004. Polyuréthane, polyester, fibre de verre. 630 x 536 x 212 cm.
— The Brain, 2002. Sérigraphie rehaussée à l’aquarelle. 43 x 44 cm.
— itiful Men, 2002. Sérigraphie rehaussée à l’aquarelle. 69 x 51 cm.
— Tongue, 2002. Sérigraphie rehaussée à l’aquarelle. 34 x 46 cm.
— Mercedes, 2003. Sérigraphie rehaussée à l’aquarelle. 55 x 46 cm.
— The Heart, 2002. Sérigraphie rehaussée à l’aquarelle. 42 x 39 cm.
— Sans titre, 2002. Sérigraphie rehaussée à l’aquarelle. 46 x 34 cm
— The Womb, 2003. Sérigraphie rehaussée à l’aquarelle. 46 x 33 cm
— The Womb, 2003. Sérigraphie rehaussée à l’aquarelle. 46 x 33 cm.
— The Liver, 2002. Sérigraphie rehaussée à l’aquarelle. 34 x 46 cm.
— The Cats, 2003. Sérigraphie rehaussée à l’aquarelle. 46 x 33 cm.
— Ursoup, 2003. Sérigraphie rehaussée à l’aquarelle. 47 x 66 cm.
— AVL Mortar,1999. Sérigraphie rehaussée à l’aquarelle. 102 x 73 cm.
— HT Economy, 2002. Sérigraphie rehaussée à l’aquarelle. 55 x 82 cm.

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