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With love, from Texas

PAriane Carmignac
@12 Jan 2008

Les toiles de Rosson Crow sont traversées par une sorte de renversement : la construction de l’espace est soumise à la répétition d’un motif et aux lignes de (dé)construction, motifs obsédants qui perturbent de manière irréversible la lecture de l’espace.

Les premières œuvres de la très jeune artiste Rosson Crow (23 ans) ont souvent été présentées comme des «intérieurs baroques». Il y a en effet quelque chose qui tient de la recherche d’une beauté «irrégulière» par l’inattendu et savoureux mélange des techniques : huile, émail et aérographe sur toile.
Mais l’intérêt pour le baroque en lui-même est peut-être un peu moins évident par rapport à ses précédentes œuvres, même s’il reste toujours présent en filigrane dans les œuvres exposées. On retrouve néanmoins cet intérêt quasi systématique pour la pièce — le degré zéro de l’«intérieur». Dans la majorité des toiles, il y a la suggestion d’un espace tridimensionnel, qui ne donne pourtant qu’une profondeur extrêmement limitée, conférant même parfois une impression d’enfermement «entre quatre murs», radical.

Il y a une sorte de renversement dans ces toiles où toute la construction de l’espace est soumise à la répétition d’un motif, et aux lignes de (dé)construction qui sont imposées par tous les éléments mobiliers. L’intérieur est envahi (par un convoi funéraire, dans Gold Miner’s…), et comme pris de vitesse par ces motifs obsédants qui perturbent de manière irréversible la lecture de l’espace. Le plaisir, ou le fantasme d’une toile «caméléon», qui pourrait en toute impunité hisser haut les couleurs (qui, dans cet intérieur, cohabitent de manière tapageuse) et les motifs dignes d’une tapisserie, n’est pas à exclure totalement.

L’obsession des motifs géométriques, ou floraux, ou végétaux, qui creusent puis détruisent les différents plans dans l’espace, sont peut-être à lire comme autant d’obstacles. Comme semble l’indiquer la représentation d’un intérieur transformé en parcours équestre de saut d’obstacles (Kubric’s Kremlin ou Untitled. Equestrian Show), en effet, c’est toute la peinture qui s’amuse à se semer d’embûches, voire à être à la limite de la lisibilité.
C’est une grille à géométrie variable, en suspension, contre laquelle le regard doit s’affronter: motifs issus d’un invisible tissu déployé dans l’espace et sur la toile, treillis de jardins, stores, dégoulinures perpendiculaires (et qui donnent envie, irrésistiblement, d’accrocher la toile dans un autre sens)…

Dans ces déclinaisons d’intérieurs perturbés, épuisés, on croit parfois discerner, ici et là, des lambeaux de citations (la chambre de Van Gogh, les typologies photographiques d’Atget?), qui ressurgissent puis qui sont à leur tour absorbés par la fascination du motif.

Rosson Crow :
— Rococo Rodeo, 2005. Huile sur toile. 244 x 180 cm.
— Delaney House, 2005. Huile sur toile, émail et aérographe sur toile, 127 x 127 cm.
— Susperia, 2005. Huile sur toile. 180 x 244 cm.
— Kubric’s Kremlin, 2005. Huile sur toile. 152 x 122 cm.
— Untitled (Equestrian show), 2005. Huile sur toile. 199 x 275 cm.
— Gold Miner’s Fantasy Funeral, with Russian Decor, 2005. Huile sur toile. 178 x 183 cm.
— Concord Coach, 2005. Huile sur toile. 127 x 117 cm.
— Masterson’s Saloon, 2005. Huile sur toile. 172 x 117 cm.

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