ART | CRITIQUE

Wind Spelling

PRaphaël Brunel
@02 Fév 2009

Fascinés par le langage et la typographie, Angela Detanico et Rafael Lain inventent des alphabets basés sur le souffle, le vent et leurs variations, imaginant ainsi des formes d’écritures en prise directe avec la réalité.

Dans le contexte brouillé et chaotique de ce début 2009, la Galerie Martine Aboucaya a décidé de réagir, de sortir du train-train quotidien et du long fleuve tranquille qui coule dans les galeries et rythme la partie visible de leurs activités : l’exposition mensuelle. Face à la crise, il faut trouver de nouvelles stratégies, de nouvelles façons d’opérer et de concevoir son rôle. La galerie prend donc le parti d’expérimenter plutôt que de se reposer sur ses lauriers.

Délaissant le showroom, elle préfère mettre en place une sorte de module que les artistes vont investir, pour une courte durée, avec une œuvre nouvelle pensée pour cette occasion. Les premiers à l’inaugurer sont les artistes brésiliens vivant en France Angela Detanico et Rafael Lain. Viendra ensuite le tour de Julien Discrit et enfin du collectif Société réaliste.

Depuis une dizaine d’années maintenant, Angela Detanico et Rafael Lain mettent en place un vocabulaire formel basé sur le langage et la typographie. Ils ont ainsi créé des modèles d’écriture concrète qu’ils appliquent à des phénomènes géographiques, scientifiques ou astronomiques. On se souvient notamment de leur manière d’écrire le nom de certaines étoiles à partir de la Helvetica Concentrated, une police obtenue par la concentration, sous la forme d’un point plus ou moins gros et dense, de la quantité d’encre nécessaire pour réaliser une lettre avec la police Helvetica.

Avec Windspelling, ils appliquent leur procédé, par le biais d’une installation sonore, à un phénomène naturel comme le vent. Ils mettent au point un nouvel alphabet défini en fonction de la durée de souffle humain qu’il faut pour prononcer une lettre. Les différents noms de vent sont ensuite épelés en laissant un intervalle de 3 secondes entre chaque lettre.

Le résultat est diffusé dans la salle dénudée de la galerie par quatre haut-parleurs placés sur un pilier qui reprennent les orientations nord-est, nord-ouest, sud-est, sud-ouest. Chaque vent est diffusé en fonction de sa direction d’origine.

Parallèlement à cette installation fantomatique, Angela Detanico et Rafael Lain inventent un autre alphabet, Ventalia, construit à partir du système de notation de l’intensité du vent. Il en résulte des formes qui évoquent autant les fanions ou les drapeaux de plage qu’une symbolique scientifique d’orientation. Un texte commençant par Something Crossing est retranscrit dans cette typographie et animé en fonction du changement de direction du vent d’une partie précise de l’Océan Atlantique.

Les lettres se dotent alors d’un mouvement giratoire en phase avec les éléments. Detanico et Lain imaginent ainsi une écriture en prise directe avec la réalité climatique de la planète.

Angela Detanico & Raphael Lain
— Something Crossing, 2008. Text set in Ventania. Projection, animation, couleur, muet
— Partition, 2008
— Winspelling, 2008
— Ventania Alphabet, 2008
— Sirocco, 2008

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