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William Eggleston. L’oeil démocratique

26 Jan - 23 Mar 2008
Vernissage le 26 Mar 2008

Le Centre de photographie de Lectoure propose une exposition de «l’inventeur» du cliché couleur, William Eggleston, organisée autour de photographies composées pour la collection Lhoist et réalisées dans la maison d’Elvis Presley à Memphis. Héritier de Walker Evans, Robert Frank et Henri Cartier-Bresson, il s’impose de photographier la vie sous toutes ses formes par des cadrages et des compositions inattendus.

Communiqué de presse
William Eggleston. L’oeil démocratique

C’est en découvrant les travaux de Robert Frank et d’HenriCartier-Bresson qu’Eggleston vient à la photographie, qu’il pratique d’abord en noir et blanc puis en couleur dès la fin des années 60. A partir de son environnement intime –la plantation familiale et la campagne du Tennessee, samaison et les rues de Memphis – il se plonge dans une exploration sans fin de l’univers quotidien des gens qui, comme lui, vivent dans le Sud des Etats-Unis.

Son intérêt pour le banal le rapproche de Walker Evans,mais sa vision du monde et son style l’en écartent sensiblement. William Eggleston photographie tout, sans distinction ni hiérarchie, et son approche très libre du sujet n’a rien à voir avec les vues frontales et sans effets du style documentaire. Contrairement à Evans, il surprend et déstabilise par des points de vues inattendus, des cadrages et des compositions hors des canons esthétiques et la présence insistante de la couleur.

Dans les années 70, cette ouverture à la couleur, logique dans la démarche d’un artiste qui entend prendre en compte toutes les composantes de la réalité, mais encore précoce dans l’histoire de l’art photographique, vaut à Eggleston la consécration du musée et la réputation en partie justifiée mais quelque peu envahissante d’inventeur de la photographie en couleur. Son exposition au MoMa de New York en 1976 à l’invitation de John Szarkowski marque une date dans l’histoire de la photographie, celle de la reconnaissance de la photographie en couleur comme forme artistique à part entière.

En réalité, bien des artistes et non des moindres s’étaient essayés depuis longtemps à la photographie en couleur, mais comme le souligne Michel Frizot dans la Nouvelle histoire de la photographie, l’apport décisif d’Eggleston, qu’il partage avec certains de ses contemporains –notamment Callahan et Meyerowitz –est d’avoir donné par l’usage de la couleur « un autre sens à la photographie dans son ensemble. Jusqu’à ce qu’on ne s’étonne plus de l’usage de l’une ou de l’autre, couleur ou noir et blanc. »

Comme un acteur qui ne parvient pas à se libérer du rôle qui l’a rendu célèbre, Eggleston est resté longtemps prisonnier de l’étiquette aussi réductrice qu’excessive d’« inventeur » de la photographie en couleur. C’est sans doute pour dissiper ce malentendu qu’il publie en 1989 The Democratic Forest, livre dans lequel il se proclame « en guerre contre l’évidence ». « Un oeil démocratique, une guerre ouverte contre ce qui semble aller de soi : les deux se combinent, il faut voir ce qu’a priori on n’aurait pas regardé. Tout peut mériter
l’attention, le déclic». (Anne Bertrand)

L’exposition présentée à Lectoure est en deux parties : un ensemble de vingt photographies composé par Eggleston pour la collection Lhoist, complété ultérieurement par deux autres tirages, et le portfolio Graceland, prêté par le Fonds national d’art contemporain, qui comprend onze photographies prises par Eggleston dans la maison d’Elvis Presley à Memphis.

A l’exception des deux tirages Iris récemment acquis par la collection Lhoist, toutes les oeuvres exposées ont été réalisées selon le procédé du dye transfer, découvert par Eggleston en 1974 dans le catalogue d’un laboratoire sous le slogan : De l’image lamoins chère au nec plus ultra. «Le necplusultra, raconte Eggleston, était le «dye transfer». Je suis monté directement voir ça sur place, et je n’ai vu que des travaux publicitaires, des images de paquets de cigarettes ou de bouteilles de parfum, mais la saturation des couleurs et la qualité de l’encre étaient incroyables. Je ne pouvais pas attendre de voir à quoi ressemblerait une image d’Eggleston imprimée avec cette technique. Toutes les photos que j’ai tirées par la suite selon ce procédé étaient magnifiques, et chacune semblait encore plus belle que la précédente. » Apropos de sa photo The Red Ceiling (le plafond rouge), Eggleston ajoute : « The Red Ceiling est si magistral qu’en fait je n’en ai jamais vu de reproduction qui m’ait satisfait.Quand on regarde le colorant, c’est comme du sang qui mouille lesmurs… Travailler en rouge une surface aussi importante était un défi. »

François Saint Pierre

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