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Well Charged

21 Juin - 26 Juil 2008
Vernissage le 21 Juin 2008

Les peintures de Keegan McHargue fonctionnent comme des charades. Faites de symboles et de couleurs, elles apparaissent découpées et dédoublées, et invitent le spectateur à reconstituer l’ensemble à la manière d’une carte.

Keegan McHargue
Well Charged

Les travaux de Keegan McHargue sont des œuvres à décrypter. À l’image d’une charade, d’un rébus, il faut pouvoir les déchiffrer. Pour rendre la tache plus facile, le jeune artiste de 23 ans tisse un fil d’Ariane à suivre patiemment. Les œuvres sont découpées et dédoublées par ces chemins en cul-de-sac. Le spectateur est tour à tour éclairé et désarçonné par cette façon labyrinthique de mener le dessin, par ces tableaux placés sous le signe du double.

Les lignes serpentines et emmêlées construisent un chaos ordonné, cloisonné, explicatif. La dualité des compositions se décline sous toutes les formes et dans toutes les déclinaisons possibles. Les personnages sont toujours des couples coupés en deux, à l’image du mythe d’Androgyne. Scindés par la feuille de papier, et non par les colères divines, ils s’éloignent l’un de l’autre mais restent très attachés par des câbles d’encre et de peinture.

Keegan McHargue travaille pour comprendre le monde complexe dans lequel nous vivons. La sophistication est telle qu’il considère ses œuvres comme des « cartes » capables de le guider dans ces tonnes d’informations qui nous submergent et nous assoiffent en même temps. Cette atomisation se retrouve dans la forme graphique de ses travaux. Malgré une grande stylisation, maladroite dans le trait, il y règne une atmosphère bousculée.

Il faut suivre les dessins comme autant de « cartes » faites d’entortillements successifs de réseaux filaires. Comme dans les cartes d’Etat-major inconnus, on goûte au plaisir d’aller se perdre dans ces tracés topographiques et politiques. Les traits et les pointillés forment des barrières tantôt climatiques tantôt géographiques.

Modélisation de tous nos fantasmes, les cartes répertorient les peurs et les projections de grandeur et de conquête. Ici, elles sont des cahiers de doléances rédigés comme des cahiers d’écoliers. Planches d’encyclopédies, elles tentent de tracer un chemin à notre intelligence; les nœuds qu’elles forment prennent le risque de casser le fil d’Ariane qui nous relie aux intentions de l’auteur.

La lecture de cette littérature, faite de symboles et de couleurs, provoque un doux vertige. Planisphères coupés par des longitudes ou des latitudes, la logique aboutit toujours à un diptyque. Le support se scinde en deux parties. Les continents dérivent mais restent liés par ce trait fin, comme le pendu à sa corde. Tout passe par ces croisements graphiques, ces échangeurs encreurs, ces bretelles couleurs. La tectonique des plaques est contrée par des ponts suspendus. Les haubans sont des dédales tracés à la plume.

La séparation est évitée grâce à des pipe-lines qui transportent l’or noir du dessin. Ces tubes de couleur relient et réparent ces séparations. Le tout est tracé à main levée. Les êtres et les situations sont mis en boîte, en équation dans des algorithmes ingénieux, dans des courbes savantes, dans des planches d’anatomie détaillées, mais paraissent bien démunis pour donner la moindre explication, la moindre solution. Discours savant et embrouillé, syllogisme gribouillé sur un coin de nappe en papier, soliloque fumeux, le tout accouche d’une péroraison à la Bouvard et Pécuchet.

Les explications que délivre Keegan McHargue ne sont pas convaincantes mais elles laissent derrière elles un voile effiloché, canalisé et indompté. Les questions qu’ils pose se perdent dans le labyrinthe qu’il tente d’expliciter mais qu’il construit malgré lui et dans lequel il nous emmure.

L’enfermement est sans barreaux et se drape de l’apparence d’une liberté éclatée et volatile. La camisole contraignante est aussi légère que discrète. La trame de ce cilice se pose sur la peau et s’immisce jusqu’à l’intérieur des êtres.

À la façon de Damien Hirst, il ausculte les corps en les disséquant à la plume. Les dessins livrent des anatomies ubuesques, incongrues. Ils ressemblent à la tuyauterie-robinetterie de Cloaca, facon Wim Delvoye. Les organes sont extraits des corps à cœur ouvert comme dans le Dalia Noir de James Ellroy. La modélisation du monde et des êtres ne parvient pas à remplir sa mission.

critique

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