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Welcome Home, Boss

PHélène Sirven
@12 Jan 2008

Trois situations de contre-pouvoir: les fictions des vidéos (un meurtre dans un restaurant et l’évasion d’une prison); l’installation dans laquelle on pénètre directement en entrant dans la galerie (une grille de prison avec un système de vidéosurveillance); enfin, une série de grandes photographies sur des personnages puissants (ceux qui surveillent sont surveillés).

Alain Declercq montre les images du pouvoir, celui qui surveille et qui punit. Mais ici, il s’agit d’une tentative de contre-pouvoir activée par trois ensembles de situations représentées différemment: d’une part, les fictions des vidéos Western (un meurtre dans un restaurant) et Escape (l’évasion d’une prison) ; d’autre part, l’installation — une grille de prison et un système de vidéosurveillance — dans laquelle le visiteur pénètre directement, et qui le rapproche encore plus de Escape; enfin, une série des treize grandes photographies en couleurs, qui manifestent avec violence le regard que risque l’artiste. A l’occasion du Mois de la Photo à Montréal, Alain Declercq et ses assistants ont suivi dans leurs résidences des personnages puissants pour réaliser cette série de clichés, ainsi que des affiches en noir et blanc qu’ils ont placées dans la ville.

Ceux qui surveillent sont surveillés par les opérateurs qui le seront aussi, puisque les contrôles de police se sont bel et bien produits au cours des actions de filature. Ces images de nuit, où parfois l’on distingue le visage d’un occupant de la résidence, mettent en évidence l’architecture de la demeure, la distance, le mur, les façades, les ouvertures inaccessibles, les seuils et la machinerie utilisée par Declercq — un groupe électrogène et des projecteurs installés sur une camionnette.

Les vidéos jouent avec subtilité du cadrage, du travelling, des temps de l’action, de sa fragmentation, pour établir un trouble, un mouvement furtif déstabilisant. L’effet de réel est très fort, l’illusion savamment entretenue. Mais le meurtre de Western n’est pas sanglant, et l’évasion de Escape est en boucle. Les faits divers hantent l’imaginaire social et l’énigme reste entière ici (comme dans Rendez-vous avec X, 1999). Le mouvement cinématographique des corps dans l’espace clos, ou dans celui du paysage, renvoie le spectateur au vide mental des traversées sans retour créées par l’ordre social et les systèmes répressifs mis en place. Les images du film, le son, l’écran, le matériel (grille, fauteuil défoncé, tables métalliques de mixage usées) et la fausse déclaration du commissariat, le détournement (le Transpalette de Bourges, lieu artistique devenu prison), le simulacre, le désir d’évasion, sont les matériaux réels qui alimentent un constat implacable: les grilles du carcéral peuvent parfois être ouvertes parce qu’elles sont toujours bien là.

Alain Declercq :
— Installation Vidéo (Emmetrop 2001), Escape, 2001. 8 moniteurs TV, 7 magnétoscopes, grille et 2 tables de mixage, fauteuil. Installation dans un espace de 2,30 x 4 m, de 2,20 m de haut.
— Welcome Home, Boss, Montreal 2001. 13 tirages en cibachrome sur dibond. 80 x 80 cm.(Série complète : 20 tirages).
— Escape, 2001. 12 min. Ecran plat, magnétoscope, bande vidéo.
— Western, 2001. 8 min. Ecran plat, magnétoscope, bande vidéo.
Bande son : Demain les chiens, remix par Isabelle Ledoussal.

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