ART | CRITIQUE

We, the Children of the 20th century

Vernissage le 14 Mai 2011
PEmmanuel Posnic
@11 Juin 2011

Peter Peri entrevoit l'histoire de l'art du XXe siècle à l'aune de son propre contexte familial. L'exposition «We, the children oh the 20th century» pose les conditions de cette connexion et les occasions de s'en défaire.

Dans la biographie de Peter Peri, il y a une chose essentielle. L’artiste anglais d’origine hongroise est un enfant de la balle, petit-fils d’un autre plasticien nommé Laszlo Peter Péri. Peter n’a pas connu son aïeul, mort avant sa naissance en 1967. Convoqué à maintes reprises, il reste une référence majeure pour le Britannique, tout comme le premier modernisme qu’en compagnie d’un autre compatriote également exilé, Laszlo Moholy-Nagy, il aura magnifiquement représenté.
On le retrouve dans les années 30 en Allemagne puis chassé, à Londres avec des pièces marquant son grand intérêt pour la sculpture appliquée à l’architecture. Bien que s’étant défait d’une abstraction constructiviste trop radicale, Laszlo Péri a préservé son goût pour les formes authentiques bâties sur l’exigence de la fonctionnalité. Ses sculptures de jeunesse, pour certaines reprises dans les années 50, ouvrent des perspectives intéressantes sur le Minimalisme américain, notamment celui qui s’est toujours reconnu une parenté avec la modernité européenne, Ellsworth Kelly en tête.

Deux générations plus tard, Peter Peri arrive avec cette histoire en bandoulière. Comment s’en défaire sinon en opposant une forme de dérision? Plus directement, Peri évoque la «dissolution» et même la «fétichisation de la dissolution» en parlant de son travail. Une manière de lutter contre son héritage est de s’imprégner de ses codes et de les porter comme des étendards. A cette trahison près que l’étendard de la modernité au XXIe siècle n’a plus la même candeur qu’à l’époque où elle écrivait les pages de l’histoire de l’art. D’où ce titre un peu pompier: «Nous, les enfants du XXe siècle».

La dérision, il en faut donc pour parader sous cette bannière. Mais au-delà de la posture un peu provoc’, Peter Peri offre une peinture élégante, à la force magnétique incontestable. Tour à tour sombre sous de grands aplats noirs, électriques lorsqu’une peinture aluminium recouvre sa surface ou «perspectiviste» quand Peri semble faire se suspendre des sphères, sa peinture joue de multiples tours.
On la croirait atemporelle, descendante du constructivisme familiale (à voir ces illusions d’espace, ces blocs en suspension), voisine des grandes pièces de Barnett Newman (à qui Peri emprunte son fameux «zip») et par instant de la rhétorique de Ellsworth Kelly sur l’anti-distinction forme-sujet. On pourrait tout aussi bien la rapprocher des peintures murales faites à la bombe tant ses couleurs «claquent» et modèlent un espace pictural qui refuse la neutralité, celle notamment de l’aplat parfait.

Peter Peri préserve en lui la main imparfaite de l’artisan. L’incident sur la toile est mis à profit pour accorder de l’épaisseur à la surface et, peut-être, pour s’affranchir du hiératisme de ses compositions. Surtout, Peter Peri laisse parler ses tableaux qui commentent, par leur titre, les impressions qui s’y déposent. La narration s’installe alors à la lisière de cette description sommaire. Elle n’est pas pour rien dans cet apprentissage de l’illusion tridimensionnelle qui, chez Peter Peri, gravite ou lévite en permanence.

Le tableau éponyme de cette exposition en témoigne. Un carré bleu électrique déposé au-dessus d’un fond argent, ultime écho à l’ordre suprématiste de Malevitch, connexion lointaine avec les évanescences de Rothko, les grilles mortifères de Bacon, les rémanences ésotériques de Laib, proximité avec l’écran de la nouvelle réalité télévisuelle: il y a un peu de tout cela dans ce tableau, un raccourci du continuum artistique doublé d’un commentaire ironique et posé du XXe siècle. Et ce désir d’ailleurs, d’un espace qui échappe à l’entendement et à l’histoire. Peut-être cette surface en lévitation contient-elle le miroir à traverser cher à Lewis Carroll, peut-être que c’est précisément dans cet entrefait que Peter Peri s’est résolu à placer le sujet de sa peinture, la «dissolution»?

Si cette série récente de Peri n’est pas sa plus convaincante, reste la séduction de la couleur, la simplicité maîtrisée des sujets et ce regard diachronique sur l’histoire de l’art qui inscrit sa sélection dans une belle cohérence et la rapproche des peintures et dessins antérieurs.

Å’uvres:
— Peter Peri, We the children of the 20th Century, 2011.
 Mixed Media on canvas, 135 x 175 cm
— Peter Peri, Now You Know What Red Does, 2011. 
Mixed media on canvas, 130 x 100 cm
— Peter Peri, I Live in a Paradise of Hellish Blue Balls, 2011.
 Mixed media on canvas, 130 x 100 cm
— Peter Peri, Romantic Painting 1, 2011. Mixed media on canvas, 130 x 100 cm
— Peter Peri, It Passes, But it Does Not Pass Away, 2011.
 Mixed media on canvas, 175 x 200 cm
— Peter Peri, Corpse and Mirror 3, 2011. 
Mixed media on canvas, 175 x 200 cm
— Peter Peri, U and A, 2011.
 Mixed media on canvas, 175 x 115 cm
— Peter Peri, Romantic Painting 2, 2011.
 Mixed media on canvas, 130 x 100 cm
— Peter Peri, Romantic Painting 3, 2011.
 Mixed media on canvas, 98 x 75 cm

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