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Watch out, you might get what you’re after

Les mondes de Cristian Andersen ne sont pas clos mais entrebâillés, à l’image de ces deux grandes photographies verticales qui paraissent au premier abord complètement noires. Mais à y regarder de plus près, de fines obliques blanches traversent cet espace de jais. Une mince ligne figure une porte entrouverte d’où jaillit une franche luminosité venant caresser le sol et en révéler les aspérités. Peut-être bientôt béante, cette porte maintient encore le flot des rayons du jour. Une nette antinomie plastique se dessine entre un espace noir sans matière et les percées blanches qui ont le grain de la lumière.
À l’instar de Pierre Soulages, Cristian Andersen joue avec le noir comme révélateur. Mais contrairement au peintre moderne qui fait advenir la lumière au sein du noir prônant ainsi une intime inhérence entre les deux entités, Cristian Andersen la fait surgir par contiguïté d’avec l’obscurité.

Intégralement blanches cette fois-ci, des sculptures de bric et de broc s’élèvent verticalement. Concrétions aléatoires de morceaux encastrés de céramique, de ficelle, de scotch, de bois, ces motifs surréalistes, oiseaux à chapeaux, savons entassés, etc., cherchent à atteindre quelque chose. La lumière peut-être?

En suspens, un bras tronqué en plâtre au traitement hyperréaliste s’apprête à appuyer sur une boîte noire ficelée. Au bord de l’explosion salvatrice, la scène reste figée en attendant la pression fatale du doigt.

En dernier lieu, une installation se compose de planches de bois majoritairement noires, légèrement teintées de vert-de-gris, de mauves et d’éclats irisés. Ces planches peintes arborent projections de peinture, inscriptions illisibles, découpes et coulures conférant à cette pièce une dimension très plastique, dont le noir pictural laisse la part belle aux joyeuses éclaboussures qui viennent éclairer un dispositif austère.

«Watch out, you might get what you’re after» pourrait être une citation de l’ouvrage Eloge de l’ombre de l’écrivain japonais Junichiro Tanizaki. En demi-teintes, le travail de Cristian Andersen frôle l’esthétique japonaise. Mais il rejoint la philosophie occidentale en ce qu’il est au bord de l’implosion. Les pièces de l’artiste suisse forment alors un curieux syncrétisme puisque de ce noir dépouillement, adviendra, à coup sûr, l’inexorable lumière.

Liste des œuvres
— Cristian Andersen, Room of your own ou The world belongs to me, 2009. Installation. Plexiglas, bois, cire, tissu, peinture et peinture en bombe. 99 x 199 x 198 cm.
— Cristian Andersen, Get the balance right, 2008. Impression jet d’encre. 180 x 124 cm.
— Cristian Andersen, So walk a line, 2009. Sculpture. Fil, ciment, céramique, peinture, metal,pastique. 156 x 58 x 36 cm
— Cristian Andersen, Oerlikon, 2009. Sculpture. Céramique, peinture. 149 x 33,5 x 32 cm.
— Cristian Andersen, Palermo, 2009. Sculpture. Céramique, peinture blanche et bleue. 150 x 34 x 26 cm.
— Cristian Andersen, Palermo II, 2009. Sculpture. Céramique, peinture. 164 x 39 x 28 cm.
— Cristian Andersen, Brancusi, 2009. Sculpture. Céramique, peinture. 169 x 29 x 26 cm.
— Cristian Andersen, Sans titre (titre provisoire), 2009. Plomb, céramique, plexiglass, peinture, bois, miroir. 180 x 150 x 130cm
— Cristian Andersen, Sonic Youth, 2008. Impression jet d’encre. 180 x 124 cm.