ART | CRITIQUE

Wang Keping

PNicolas Lancri
@12 Jan 2008

Déesses et couples : des sculptures aux formes compactes, en bois noirci au feu selon la tradition chinoise. Travaux d’un artiste chinois, ex-garde rouge, victime de la répression maoïste, membre du premier groupe d’artistes non officiel chinois, « Les Étoiles », créé en 1979.

Wang Keping, dont la galerie Zürcher suit le travail depuis plusieurs années, est assurément un individu atypique : ex-garde rouge envoyé en camp en Mandchourie par Mao Tse-Tung, il a participé, en Chine, à la création du premier groupe d’artistes non officiels (« Les Étoiles »), en 1979.
Successivement autorisé et interdit d’exposer, il sait ce qu’il en coûte de revendiquer sa liberté de création sous un régime totalitaire, et de produire des œuvres en forme de provocations politiques.
Atypique, Wang Keping l‘est peut-être aussi désormais par ses thèmes et ses techniques, par sa manière un peu désuète comparée à la figure actuelle du plasticien qui mobilise divers médias et qui combine les problématiques.

Une vingtaine de sculptures sombres, presque noires, se répartissent en deux thèmes : les Déesse et les Couple. D’aspect compact, elles sont pour la plupart présentées sur des socles blancs, à faible distance du sol.

Utilisant un procédé de la tradition chinoise, Wang Keping soumet au feu d’un chalumeau ses sculptures taillées dans le bois, ce qui leur donne leur patine et leur teinte noire, parfois traversée de zones plus claires.

Les formes sont lovées sur elles-mêmes, comme dirigées vers l’opacité et la compacité de la matière du bloc de bois. La patine laisse paraître les veinules du bois, qui peuvent évoquer une chevelure ou seulement animer la surface.
Mais ce qui frappe dans les sculptures de Wang Keping, ce sont les crevasses et les fissures. Dues au séchage, elles fendent le bois de leurs lignes profondes. Discontinues, verticales, quelquefois très larges, elles arrêtent le regard et le font dériver au-delà de la figuration. Elles dialoguent également avec le poli des œuvres et la douceur des formes pleines — ainsi ces seins que telle Déesse semble recueillir entre ses bras.

Les formes pleines, convexes, rondes, sont particulièrement appréciées par l’artiste, comme Déesse (n°17 sur la liste) dont les bras n’exhibent qu’un unique sein orné d’une craquelure à l’endroit de l’aréole, tel un œil pointé vers nous. Mais toutes les sculptures ne semblent pas nous faire signe.
Certaines sont au contraire tournées vers le mur, sans permettre qu’on en fasse le tour: une façon de renforcer l’impression de clôture, de repliement qui se dégage de certaines œuvres.
Déesse (n°2) présente une femme accroupie, les jambes repliées, la tête enfouie dans les bras, vue de profil. On songe à certaines représentations de la Mélancolie dans des œuvres européennes de l’entre-deux-guerres. On retrouve ces formes en miroir dans la Déesse(n°9).
Les Couples reprennent cette structure en deux parties et la quasi similitude des formes. Seuls les personnages représentés debout échappent aux formes compactes.
C’est par un répertoire thématique et formel restreint que Wang Keping réussit le mieux à exalter son amour pour le matériau et la ligne. Telles ces figures coupées à mi-corps, réduites à des troncs, les sculptures de Wang Keping semblent enracinées en elles-mêmes.

— Série Déesse. Sculptures en bois. Dimensions variables.
— Série Couple, 1999. Sculptures en bois. Dimensions variables.

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