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Wake Up

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Après Speedy Graphito adepte de la figuration libre durant les années 1980, voilà Olivier Rizzo. Fini le pseudo. Les peintures sont à l’image de la vidéo Labyrinthe céleste, c’est une explosion cathodique et pyrotechnique. Les couleurs, les motifs, se disputent la toile. À l’instar d’un puzzle en mouvement l’image devient combinatoire. 

Keith Haring français, Speedy Graphito a été à la jonction entre la figuration libre et le graffiti américain au cours des années 1980. Entre le tag américain et le pochoir européen, il a toujours préféré une troisième voie : la sienne.
La ville est son terrain de jeu, le cadre qui délimite le contour de ses fresques et de ses assauts picturaux. Les palissades du Louvre et des Halles ont été ses cimaises, ses cartes de visite pendant longtemps. Cette écriture murale, cette frénésie de la peinture s’est déclinée sur plein de supports différents comme les voiles d’un bateau de course, ou la coque d’une péniche, ou tout simplement un camion. Enfant surdoué et chouchouté par les médias et la pub, Speedy Graphito appartient à une époque insouciante révolue.

En parallèle de ce travail sur les murs, labile appelé à disparaître, une œuvre traditionnelle sur châssis continuait dans l’ombre du bombeur. Le pseudonyme du joyeux graffiteur tombe le masque pendant la décennie 90 et ce sont les toiles d’Olivier Rizzo que l’on peut venir apprécier à la galerie Polaris depuis 1997. Boulimique de travail et explorateur des supports comme des médiums, l’ancien petit prince prodige sculpte, dessine, peint, filme et décline une production prise entre gravité et amusement.

Rendu célèbre par un personnage stylisé, sorte de Barte Simpson avant l’heure, comme ces collègues Keith Haring ou André en France, Olivier Rizzo continue à égrener ses toiles de bonshommes et créatures diverses. La production se divise entre œuvres colorées et travaux sombres, entre peintures et travaux graphiques. Sans être systématique, cette démarcation oppose un visage souriant et un autre plus sombre, plus grave. Le monde de l’enfance et celui de la mort se disputent l’accrochage.

Sensible au monde de l’enfance, ce paradis perdu, Olivier Rizzo produit des toiles rosées. La couleur est importante, elle éclate un peu partout, mais elle n’est pas assez éblouissante, pas assez Pop. Au lieu d’avoir des compositions franchement joyeuses, il y a, à cause de la couleur, une pointe de nostalgie et de tristesse qui vient assombrir le tableau. Les personnages farfelus ne sont pas peints d’un bloc, ils ont leur part d’ombre, des rêves cassés dans la tête. Perlin et Pinpin (2003) rappelle cet imaginaire cathodique, et renvoie à notre imaginaire télévisuel.

Amoureux des pratiques transversales, aventurier de l’image, l’artiste multimédia a confectionné des personnages de jeu vidéo il y a quelques années. Pour Labyrinthe céleste, il reprend ses créations et les incruste dans un clip électrique. Les images se succèdent, se déforment, changent. Comme un long morphing saccadé, les photogrammes se hachent, se coupent la parole, se déclinent dans un ballet stroboscopique. La vidéo fonctionne comme un puzzle qui se fait et se défait devant vos yeux La patte frénétique de l’artiste est toujours présente, toujours prête à de nouveaux mariages.

Les papiers dessinés à la pierre noire représentent l’autre versant de l’artiste. Le trait est comme une plainte, comme le constat d’une souffrance et d’un désenchantement total. Comme écrit par le poids du plomb, le dessin devient gravure. Les scènes sont morbides. Pour donner une idée de ces travaux, leur facture se rapproche des dessins de Crumb, le dessinateur underground américain.

À l’opposé de la demi mesure, entre joie doucereuse et tristesse affichée, Olivier Rizzo dessine comme on grave et peint comme on éructe. Comme un canon à électrons, il canarde sa toile d’une mosaïque de carrés colorés. Le motif est cannibalisé par des aplats de couleurs et de fleurs. Adepte du métissage, il apporte dans ses toiles et ses dessins des influences qui se rencontrent et produisent d’étranges solutions.

Olivier Rizzo :
— Rendez-vous, 2003. Pierre noire et crayon de couleur sur papier teinté. 45 x 65 cm.
— Génération libre, 2003. Pierre noire et crayon de couleur sur papier teinté. 45 x 65 cm.
— After Hour, 2003. Acrylique sur toile. 60 x 72 cm.
— J’ai peur, 2003. Acrylique sur toile. 97,50 x 130 cm.
— Métempsycose, 2003. Acrylique sur toile. 60 x 72 cm.
— Langages, 2003. Acrylique sur toile. 60 x 72 cm.
— Perlin et pinpin, 2003. Acrylique sur toile. 85 x 115 cm.
— Wake Up, 2003. Acrylique sur toile. 60 x 72 cm.
— Fièvre, 2003. Acrylique sur toile. 130 x 97,50 cm.
— Labyrinthe céleste, 2003. Vidéo. 5’.
— Le cadeau, 2003. Pierre noire et crayons de couleur sur papier teinté. 45 x 65 cm.

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