DANSE | SPECTACLE

Refuge

08 Nov - 09 Nov 2018

Chorégraphe à cheval entre les disciplines (installation, bricolage, danse), Vincent Dupont explore notamment les interactions entre humains et objets. Avec son duo Refuge, il plonge dans le réel prosaïque du geste professionnel, calibré et répétitif, pour aller y débusquer de la danse.

Équipés de laryngophones (Micros-HF directement placés sur la gorge), deux danseurs évoluent parmi des cartons. Scène dépouillée, la pièce chorégraphique Refuge (2018), de Vincent Dupont (Cie J’y pense souvent (…)) joue sur le décadrage. Manutentionnaires, les deux interprètes — Raphaël Dupin et Vincent Dupont — sondent l’espace de travail. Ils déplient des gestes professionnels, pour en faire une matière à danse. Tandis que les micros reliés à leur gorge, au plus près du mouvement physique, réverbèrent et amplifient leur souffle, leur voix. Tout en étant reliés à un dispositif permettant de déclencher, par la voix, des instruments — cuivres, claviers, percussions, cordes. Mettant en scène un univers standardisé, dans lequel les gestes sont calibrés comme des tomates de supermarché, Refuge fait de la danse un espace de repli. Plateforme de tri et de manutention, les deux interprètes vont se mettre à traquer l’originalité dans leurs gestes. Avec une attention aiguisée par le son.

Refuge de Vincent Dupont : où chercher l’originalité des gestes standardisés ?

Entre installation, performance et ingénierie, le chorégraphe Vincent Dupont cultive une danse à la croisée des disciplines. Les interactions entre humains, objets et technologies lui sont matières à chorégraphies. Avec cette double dynamique d’une attention accrue au quotidien d’une part, et à l’extraction de ce même quotidien, de l’autre. Pour Refuge, Vincent Dupont creuse ainsi une question obsessionnelle : Comment sortir d’un flux quotidien pour accéder à autre chose ? Partant d’une réalité très prosaïque, Refuge accumule et répète des gestes professionnels. Mouvements rythmés, la machine commence à s’enrailler. La créativité fait irruption, par la danse. Et dans ce décor minimaliste, peuplé de cartons, s’esquisse une bifurcation. Isolés dans leur entrepôt et leur duo, c’est par le son et la rumeur que le reste du monde s’invite dans leur production. Comme un encouragement à briser la chaîne pour partir en quête de nouvelles perceptions. Pour en finir avec la répétition stérile.

Entre performance et installation sonore : la danse comme issue de secours

Connectant souffle et mouvements, Refuge de Vincent Dupont, raccourcit la frontière entre les corps. Ceux des danseurs, ceux des spectateurs. Dans ce paysage en carton, impersonnel, se redéploie alors une texture sonore charnelle et humaine. Symbole du jetable, du précaire — y compris de l’habitat précaire —, le carton n’a que peu de valeur marchande. Pièce peuplée d’humains (main d’œuvre) et de cartons, Refuge refuse la dévalorisation. Et distille de la rareté, de la valeur. En allant ainsi traquer ce qui peut faire l’originalité du geste. Pour briser le cercle répétitif d’une vie constituée d’emballages jetables, sans objet. Toujours plus efficaces à remplir du vide avec du vide, Refuge offre aux spectateurs un pas de côté. Ici, ce n’est plus la consommation compulsive qui rassure, mais la danse, avec sa possibilité d’un écart. Et par le son, les gestes, l’attention au présent, Refuge remet ainsi de l’étonnement dans la trame du quotidien.

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