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Villa Florès

20 Nov - 17 Jan 2015
Vernissage le 20 Nov 2014

Depuis le début des années 1990, Jürgen Nefzger photographie le paysage en tant que reflet d’une époque et d’un mode de vie. L’urbanisme, les zones périurbaines et rurales ainsi que les questions d’ordre environnemental sont les principaux sujets qu’il aborde dans son œuvre en associant rigueur et humour, sens de l’anecdotique et regard critique.

Jürgen Nefzger
Villa Florès

Le prélèvement posé semble être à l’origine de toute l’œuvre photographique de Jürgen Nefzger. «Prélèvement» car c’est comme si sa démarche consistait à extraire des petits bouts rectangulaires de Réel, ensuite transposés sur une surface sensible; «Posé» car l’impression qui s’en dégage est d’être «ben plantati» comme disent les italiens, bien enracinés, comme le trépied dans la terre, qui supporte l’appareil grand format. Le tout à hauteur d’homme, dans une optique correspondant à la vision de l’œil humain, celui que privilégiait Howard Hawks dans ses films, répondant à la maxime: ne rien faire qui dérange le regard de ce que l’opérateur observe attentivement, sur un plan la plupart du temps frontal et à distance moyenne.

Le photographe s’efface autant qu’il peut devant son champ d’image, laissant l’imprégnation opérer sur une vision tableau proche de l’approche picturale. L’ensemble relève d’une esthétique de la banalité des sujets circonscrits, qui nous ramène à ces images subliminales de l’inconscient collectif du paysage français, oubliées dans les recoins de la conscience, comme de ces zones suburbaines que traquent Jürgen Nefzger, à l’opposé du parcours mythologique d’un Raymond Depardon avec ses anecdotes visuelles humanistes. L’important semble donc de rester dans une posture de la banalité des choses, ouvert même à la laideur du bâti, et de la nature salie qui prennent ici une singularité visuelle, comme si on lui octroyait des lettres de noblesse transformées en beauté irréelle.

La démarche de Jürgen Nefzger nous fait irrésistiblement penser aux travaux de Walker Evans sur l’Amérique des années trente avec la «farm security administration photography» avec ce point de vue distancié, méthodique et non dénué d’élégance. Malgré ses origines germaniques Jürgen Nefzger semble plus descendre de cette filiation anglo-saxonne, que de l’école Allemande de Dusseldorf. Au fil des images et des promenades dans l’hexagone, certains de ses clichés nous emportent peu à peu vers une poésie sous jacente, qui paradoxalement nous rapproche du romantisme allemand du XVIIIe siècle: un retour aux sources par le détour américain. Et en se passionnant pour l’urbanisme et l’aménagement des territoires, Jürgen Nefzger retrouve aussi ses racines familiales de son père architecte et le lien avec l’humain. De cette approche documentaire qui décrit l’environnement de la façon plus neutre, il nous permet d’entrevoir le vécu des habitants et de comprendre certaines réalités sociologiques.

Dans Villa Florès, Jürgen Nefzger recentre encore son propos en choisissant l’option bi chromique, jusqu’à l’effacement de tout embellissement par les couleurs, dans un angle resserré jusqu’au dépouillement ultime, qui passe par l’orientation du regard vers le sol. Là, plantes oubliées et mauvaises herbes fleurissent en liberté sur les terrains délaissés des promoteurs espagnols.
Il se penche ainsi sur cette végétation sauvage qui ne mérite jamais l’attention; de celles que l’on voit sans voir, qui sont ici mises en dialectique visuelle avec les grands paysages péri-urbains abandonnés, anciens objets des convoitises immobilières. Ici l’on construisait les routes avant les habitations et les terrains de jeux avant l’arrivée des personnes, et le photographe, nous ouvre une porte sur cette vision désertique avec ces surfaces en friche, vides de bâti construit et entourée de nature sauvage dans les plaines arides de la Castille.
Là encore, le végétal prend sa revanche s’élevant entre les rainures des macadams éclatés où Jürgen Nefzger les croque avec rigueur, leur donnant le statut de colonnes d’albâtre ou de candélabres gothiques, dans la grande tradition de la photographie documentaire américaine derrière Walker Evans, Robert Adams, Lee Friedlander ou Lewis Baltz.

Gilles Verneret

Vernissage

Jeudi 20 novembre 2014 à 18h30

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