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Viens ! J’te fais un bon prix (Nothing Domestic)

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Avec le second conflit irakien en toile de fond, une exposition en forme de foire commerciale des armes. Quatre stands, un grand nombre d’armes pour stigmatiser tous les acteurs géopolitiques, pour représenter un état du monde.

Pour sa précédente exposition à la galerie Xippas, Malachi Farrell s’était surpassé dans plusieurs installations ludiques et politiques à la fois. Elles étaient faites de bric et de broc, elles utilisaient de nombreux systèmes mécaniques, poulies et autres circuits imprimés. Reprenant à son compte les gros titres des journaux, l’artiste fabrique des automates qui rejouent les scènes contemporaines, qu’elles soient futiles ou graves : les marées noires, les attroupements de paparazzis ou les émeutes altermondialistes réprimées à Seattle.

Les sculptures sont légères, bouillonnantes, électriques et lumineuses. Elles crépitent autant qu’elles illuminent. À l’heure des shows télé, injustement nommé télé-réalité, à l’heure de l’info en direct, le jeune artiste irlandais propose son manège désenchanté. Mon manège à moi c’est toi.

Sa sculpture est un carrousel du monde qui ne va pas. Le monde ne tourne pas rond, mais ses installations sont précises comme le coucou suisse. Ponctuel comme des horaires de train, l’animation de toute la ménagerie se met en branle dans l’enceinte de la galerie. La superficialité des médias comme les cicatrices de la société sont rejoués d’une manière carnavalesque et grotesque. Comme dans un manège tournant à vide, le spectateur est embarqué, à suivre le monde qui ne tourne pas rond. Passager d’un train fantôme, pris dans les courbes et les méandres des montagnes russes de l’actualité, le voyageur-spectateur reste sur le quai improvisé de la galerie, muet et amusé de ce théâtre de marionnettes. Jeu de dupe autant que jeu de rôle, les sujets d’actualité sont croqués avec amusement et sens critique.

Pour ce nouveau tour du monde des conflits, le doigt de l’artiste s’est arrêté sur le commerce des armes, avec pour toile de fond le second conflit irakien. L’exposition qu’il nous propose est placée sous le signe de la foire commerciale. À travers quatre stands, exposant un grand nombre d’armes automatiques et autres fusils d’assauts, c’est tous les acteurs géopolitiques qui sont stigmatisés. Le marché des armes de poing participe aux massacres de nombreux gens dans le monde, que ce soit à l’intérieur des ghettos criminels des grandes cités occidentales, ou que ce soit à l’intérieur de conflits régionaux ou ethniques.

Les quatre stands représentent un état ou une partie du monde : les Saoudiens proposent des armes dorées à l’or fin, le continent africain se contente d’armes de seconde main rafistolées, le patriotisme américain se confond avec des drapeaux aux manches articulés qui éventent l’air d’un spasme énergique et répété. Les armes et les étendards tournent et s’agitent, mais le tout ne prend pas aussi bien que la dernière fois. Le grand étalage de toutes ces armes ne participe pourtant pas au grand déballage que l’on pourrait attendre. Le propos paraît manichéen, presque simpliste, et la réalisation n’est pas à la hauteur des installations précédentes. Il y manque un peu de simplicité et gaieté.

Néanmoins, il ne faut pas bouder son plaisir de découvrir ou revoir les œuvres atypiques et toujours fortes de cet artiste à la verve éloquente et à l’élocution robotisée. Il ne faut surtout pas manquer d’admirer, dans la dernière salle, le chien policier du futur, mixte entre Robocop et Rintintin. Super Cop Dog (2003) est pris de convulsions épileptiques des plus comiques. Dans la lignée des installations de Sarah Sze et des œuvres présentées à la dernière Dokumenta de Kassel d’Annette Messager, son discours comme son langage restent toujours en suspension.

Malachi Farrell
— Gunpot Domestic, 2003. Installation sonore, technique mixte.
— Nothing Domestic, 2003. Installation sonore en quatre actes, technique mixte. 3’30 chaque acte
— Super Cop Dog, 2003. Installation (quatre séquences). Technique mixte. 100 x 90 x 60 cm.
— Flags up, 2003. Aquarelle, crayon et collage sur papier. 35,5 x 105,5 cm.
— Flags down, 2003. Aquarelle, crayon et collage sur papier. 35,5 x 105,5 cm.
— Saudi Arabian Stand, 2003. Aquarelle et crayon sur papier. 50 x 65 cm.


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