ART

Vibeke Tandberg

PNathalie Delbard
@12 Jan 2008

Par le déguisement ou par la manipulation informatique, Vibeke Tandberg aime remodeler son image, et ses transformations sont autant d’occasions pour repenser les apparentes évidences de l’identité. Dans son travail, personne n’est simplement celui ou celle que l’on croit percevoir.

Par le déguisement ou par la manipulation informatique, Vibeke Tandberg aime remodeler son image, et ses transformations sont autant d’occasions pour repenser les apparentes évidences de l’identité. Après avoir questionné par exemple le rapport à soi-même en construisant sa propre gémellité (Living Together, Boxing), après s’être intéressée à la représentation du père — pour la série « Jumping Dad », l’artiste portait les vêtements paternels en sautant sur son lit comme une enfant — Vibeke Tandberg saisit cette fois son corps de future mère pour poursuivre ce travail de défiguration corporelle.

Les sept photographies de la série « Undo » nous confrontent ainsi frontalement au corps de l’artiste enceinte, debout dans un appartement, vêtue d’un simple caleçon et débardeur blancs, et exposant les variations de sa silhouette dues à la grossesse. De la rondeur du ventre à la cambrure du dos en passant par la petitesse des membres, ce sont tous les contours du corps de Vibeke Tandberg qui semblent imperceptiblement ondulés, tandis que son visage se fige dans une sorte d’asymétrie troublante. La sobriété du décor, les tonalités beige et chair, ainsi que les modifications des lignes de fuite du parquet ou des portes, concourent en outre à créer une atmosphère irréelle dans laquelle ce corps portant la vie apparaît dans toute sa paradoxale énigme.

Avec les pièces photographiques et la vidéo titrées Old Man Going Up And Down A Staircaise, Vibeke Tandberg amplifie d’ailleurs un tel sentiment d’étrangeté. L’artiste s’est en effet glissée dans la peau d’un vieil homme alors qu’elle était en fin de grossesse : le corps vêtu d’un costume sombre et d’une cravate, les traits grimés et le crâne rendu chauve, elle monte et descend les escaliers d’un immeuble, avec toutes les difficultés liées à son état.

Entre les images verdâtres de la vidéo et celles en noir et blanc présentées en triptyques, Vibeke Tandberg met en place une sensation de malaise due au caractère sénile du personnage, a priori absolument incompatible avec l’idée fantasmatique de la femme enceinte.
L’outrance du déguisement — les baskets et la veste trop grande ne font que le rendre plus inquiétant — produit notamment un décalage saisissant ; le vendre rond tendu sous la chemise blanche, lieu attirant lorsqu’il évoque la grossesse et répugnant lorsqu’il n’est qu’affaissement du corps masculin, cristallise finalement à merveille cette capacité de l’artiste à mêler les genres pour mieux décaper nos visions trop attendues.

La dernière série photographique présentée — « To Leave by Boat » — confirme à cet égard le besoin récurrent pour l’artiste d’avancer masquée : mettant en scène un personnage cagoulé, Vibeke Tandberg parvient en effet à provoquer une possible relecture du corps et de ses postures, par l’oblitération du visage et l’évacuation de toute notion d’identification.

Sur un mode plus engagé, la vidéo God Bless America, montrant un portrait de George Bush en plan fixe où les lèvres de l’artiste viennent s’incruster ironiquement pour siffler l’hymne américain, confirme enfin le goût de Vibeke Tandberg pour l’hybridation et la permutation des statuts et des sexes. Qu’il s’agisse du nouveau-né encore caché dans le ventre de sa mère, ou de la femme dissimulée derrière le visage d’un grand-père ou d’un président, il semble finalement que jamais personne ne soit simplement celui ou celle que l’on croit percevoir.

 

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