ÉCHOS
14 Mar 2011

Vers une interdiction de photographier dans les musées français?

PElisa Fedeli
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Interrogé par un député sur la question de la reproduction des images dans les musées, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, s’est déclaré favorable à l’interdiction de photographier et de filmer. Une mesure qui, selon lui, ne s’oppose pas à l’objectif du ministère: la démocratisation culturelle. 

En juin 2010, le député UMP Patrick Beaudouin interpellait le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, sur la décision prise par le musée d’Orsay d’interdire aux visiteurs de filmer et de photographier les collections.

Le député s’interrogeait sur la légitimité d’une telle mesure, les œuvres appartenant au domaine public et les visiteurs ayant payé leur billet. Il estimait que l’interdiction de photographier allait «à l’encontre de l’objectif de démocratisation culturelle».

Dans un court texte daté du 8 mars 2011, le ministre lui répond, en soulignant son accord avec la politique du musée d’Orsay.
Il en rappelle les principaux arguments: la conservation des œuvres mais surtout le confort et la fluidité des visites, ce dernier point touchant le fonctionnement quotidien du musée et les conditions de travail des agents de sécurité.

Pour le ministre, cette interdiction ne met pas en danger l’accessibilité du patrimoine au plus grand nombre. Pour preuve, la numérisation des collections publiques permet à chacun de consulter librement sur le net des reproductions d’œuvres, «généralement en basse définition mais de bien meilleure qualité que celles issues de la plupart des appareils photographiques».

Question du député:
M. Patrick Beaudouin attire l’attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la possibilité de prendre des photographies dans les musées et monuments nationaux.
Voici quelques années, le musée du Louvre avait édicté une interdiction partielle de photographier les oeuvres d’art, avant d’y renoncer. Le musée d’Orsay vient de mettre en place une interdiction générale.
Ces interdictions sont généralement présentées comme inspirées par le souci du confort du visiteur et de la fluidité des visites, même si beaucoup y voient aussi, sinon davantage, des motivations pécuniaires.
Ces décisions soulèvent un certain nombre de questions. Il est permis de s’interroger sur la légitimité d’interdire la reproduction d’oeuvres appartenant au patrimoine public, par des visiteurs ayant payé leur billet. Si la possibilité demeure d’obtenir des musées et monuments des reproductions photographiques, leur coût, souvent très élevé, peut conduire à remettre en cause la diffusion du patrimoine artistique auprès d’un large public, notamment par l’intermédiaire d’Internet.

Il lui demande, en conséquence, quelles mesures il entend prendre à l’égard de ces interdictions, susceptibles d’aller à l’encontre de l’objectif de démocratisation culturelle. Comme la question n’est pas propre à la France, il souhaiterait aussi savoir s’il envisage d’évoquer le sujet au niveau européen.

Réponse du ministre de la Culture:
La diffusion croissante des appareils photographiques numériques, notamment ceux intégrés aux téléphones portables, a amené des changements dans les pratiques des visiteurs des musées et monuments, qui sont aujourd’hui beaucoup plus nombreux à prendre des photographies. De plus, certaines de celles-ci sont ensuite utilisées sur des sites Internet ou des blogs.
L’utilisation de flashs, nuisibles pour la conservation des oeuvres malgré leur interdiction, et les difficultés de circulation des visiteurs devant les oeuvres les plus emblématiques portant préjudice au confort de la visite de l’ensemble des publics ont conduit le musée d’Orsay à prendre cette décision qui a d’ailleurs été bien accueillie par les agents de surveillance. D’autres grands musées européens comme le Prado à Madrid, le Rijksmuseum à Amsterdam ou la Tate Modern à Londres l’ont fait avant lui.
Le ministère de la culture et de la communication mène une politique volontariste visant à encourager la numérisation des collections et leur diffusion sur Internet, répondant ainsi pleinement à l’objectif de démocratisation culturelle. L’interdiction de photographier ne paraît pas aller contre le principe de rendre les collections accessibles au public le plus large lorsque des images numériques des oeuvres, généralement en basse définition mais de bien meilleure qualité que celles issues de la plupart des appareils photographiques, sont facilement accessibles sur Internet.
Dans le cas du musée d’Orsay, le public peut gratuitement consulter le catalogue des oeuvres sur le site officiel du musée et trouver de très nombreuses images numériques en ligne dans la base Joconde, catalogue collectif en ligne des collections des musées de France, ainsi que sur celui de l’agence photographique de La Réunion des musées nationaux.

La possibilité de prendre des photographies apparaît donc comme une question relevant du fonctionnement quotidien des musées et monuments nationaux qui sont à même d’apprécier les questions de sécurité des collections et de confort de la visite, leur mise en cause pouvant les conduire à interdire les prises de vue par les visiteurs.

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