ART | CRITIQUE

Vassiliki Tsekoura

PMaxence Alcalde
@12 Jan 2008

Métal, plexiglas et néons pour des sculptures in situ dominées par l’idée de passage — du lisse au rugueux, du statique au dynamique, du silence au bruit —, et traversées par la question de l’oppression.

Vassiliki Tsekoura est surtout connue pour ses œuvres monumentales et spectaculaires, notamment pour un dessin de 43 mètres de long et 3 mètres de haut réalisé pour le FRAC Picardie (2001-2002). Dans la présente exposition la difficulté a été de se confronter à l’espace restreint de la galerie Papillon-Fiat, contrainte idéale pour déployer toute l’envergure d’un travail qui se veut in-situ. C’est avec les matériaux qui lui sont chers (fer, métal, plexiglas, néons) que l’artiste est parvenue à créer une ambiance d’une complexité minimale.

Si nous n’y prenions garde, Sans titre (fer et acier, 2002) pourrait se résumer à une table métallique percée d’un entonnoir traversé par des câbles dans la partie supérieure et des barbelés dans la partie inférieure. La sculpture fait figure de machine à produire des barbelés, à transformer une matière lisse en matière rugueuse, symbole d’oppression. Alternativement doux et agressifs, ces entrelacs métalliques renvoient aux méandres du cerveau humain, aux multiples personnalités qui nous habitent, aux tréfonds de notre conscience.

L’oppression apparaît comme un leitmotiv des œuvres récentes de Tsekura. Les Filles du Rhin, sculpture mécanique composée d’une machine à laver ballottée de haut en bas, fascine par la violence visuelle et le bruit mécanique qu’elle produit. Le dispositif est fou, mais d’une folie réglée et chorégraphiée.
On pense aux machines de Tinguely s’agitant sans but, et finissant pour certaines par s’autodétruire. Bien que formellement les deux artistes soient très différents (bricolage anarchique pour Tinguely, rigueur mécanisée de Tsekura), leurs machines offrent le spectacle d’une démesure.

Sans titre (fil de fer, néons, fer, miroirs, 2002) se compose d’un couloir étroit cerclé de métal où sont accumulés néons, barbelés, chaise et tables rappelant le mobilier aseptisé des blocs opératoires. Ici, l’ambiance est silencieuse, presque religieuse. On est plongé dans un entre-deux où l’on ne sait si l’espace est en construction ou abandonné. Quelques lumières blafardes, échappant à l’enchevêtrement des matériaux, accentuent l’aspect étrange du dispositif.

L’œuvre de Vassiliki Tsekura est dominée par l’idée de passage. Passage du lisse au rugueux, du statique au dynamique, du silence au bruit infernal. Le plus remarquable est que l’artiste parvient à rassembler ces changements d’états au sein d’une même œuvre. Les matériaux se transforment sous nos yeux en objets vivants, comme en écho à ce qui s’agite en nous. Véritables théâtres des passions, les sculptures dans lesquelles les acteurs sont des câbles et des moteurs rejouent en boucle les mêmes scènes archaïques. Avec ces nouvelles œuvres de Vassiliki Tsekura, l’espace de l’in-situ est autant celui de notre corps que celui de la galerie.

 

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