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Valérie Mréjen

PMaxence Alcalde
@12 Jan 2008

Dans sa nouvelle vidéo, Dieu, Valérie Mréjen filme de courts récits d’Israéliens retraçant leur passage d’une pratique radicale du judaïsme à une existence plus laïque.

Si l’appellation « plasticien » est accolée souvent à des artistes dont on ne parvient pas à bien comprendre le travail, elle convient particulièrement à l’œuvre que Valérie Mréjen élabore depuis une dizaine d’années.

Tour à tour vidéaste, photographe ou encore écrivain, l’artiste ne s’enferme pas dans les limites traditionnelles de l’art. Ce qui l’intéresse, c’est la vie, notre quotidien. Son matériau de base est ce qui l’entoure, et qui constitue l’individu comme « homme sans qualité » : les rapports homme-femme, à l’autre, à dieu, à la biographie, etc. Cette banalité est organisée en saynètes, transformée en spectacle à la fois maladroit, charmant et parfois même drôle.

La nouvelle vidéo présentée chez Cent8 évoque les changements provoqués par une interrogation d’individus sur la place de la religion dans leur vie. Avec Dieu (vidéo, 11’30), Valérie Mréjen filme de courts récits d’Israéliens retraçant leur passage d’une pratique radicale du judaïsme à une existence plus laïque.
La caméra est fixe comme pour un interview, mais le thème donne à ces monologues un caractère de confession. Pour ces anciens intégristes juifs, adopter un style de vie laïque équivaut à un bouleversement radical, à une rupture familiale, à la nécessaire reconstitution d’un univers social, parfois même à un apprentissage total de pratiques quotidiennes qui étaient auparavant ritualisées par le dogme. On est alors dans un rapport d’individu face à un pouvoir religieux relayé par la famille.

Au-delà des détails liturgiques, ces récits de réapprentissage du quotidien concernent quiconque a réalisé cette rupture de banc. En revanche, les quatre diptyques photographiques accompagnant le film, montrant des juifs utra-orthodoxes avant, puis après leur laïcisation, sont moins convaincants.

L’exposition a en outre l’intérêt de proposer une petite rétrospective des vidéos réalisées par Valérie Mréjen depuis quelques années. On voit ainsi se développer toute la subtilité avec laquelle elle parvient à saisir puis à détourner nos petits rituels quotidiens et nos habitudes sociales. Presque toujours filmées frontalement et jouées de manière distanciée, les saynètes possèdent un aspect anachronique, comme cette vidéo où une jeune femme raconte une partie de jambe en l’air comme si elle épluchait sa liste de courses.

Aux antipodes d’un Bill Viola ou d’un cinéma du réel, les vidéos décalées de Valérie Mréjen se situent en quelque sorte entre Sophie Calle (dans son rapport au récit) et Marguerite Duras qui aurait mangé un clown. Touchante, marquante et banale, l’œuvre de Mréjen est vraie… comme du cinéma.

Valérie Mréjen
— Dieu
, 2004. Vidéo couleur. 11’30.
— Sans titre, 2004. 4 diptyques, tirage couleur.
— Pork and Milk, 2004. Vidéo couleur. 3’.
— Une Noix, 1997. Vidéo. 1’43.
— Sympa, 1998. Vidéo. 1’10.
— Jocelyne, 1998. Vidéo. 2’10.
— Anne et Manuel, 1998. Vidéo. 2’15.
— Le Projet, 1999. Vidéo. 1’54.
— Des larmes de sang, 2000. Vidéo. 2’.
— Titi ou les kiwis, 2000. Vidéo. 1’27.
— Le Goûter, 2000. Vidéo. 4’03.
— Blue Bar, 2000. Vidéo. 2’47.
— Chamonix, 2002. Vidéo couleur. 13’.
— Portraits filmés (14 souvenirs), 2002. Vidéo couleur. 13’30.
— Ritratti, 2003. Vidéo couleur. 4’.
— Portraits filmés 2, 2003. Vidéo couleur. 10’
— Oops, 2002. Vidéo couleur. 7’.
— Portrait, 2004. 9 tirages argentique couleur.

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