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Vade-mecum

Des dessins en liberté, libérés du carcan de l’objectivisme et du réalisme. Un surgissement de formes, une profusion de lignes inspirés des grotesques italiennes de la Renaissance : ce que pourrait être la rencontre du chaos et du mysticisme.

— Éditeurs : Centre d’art d’Ivry, Ivry-sur-Seine / Galerie art attitude Hervé Bize, Nancy / Lithos — Art contemporain, Saint-Restitut
— Année : 2003
— Format : 20,50 x 14 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 31
— Langue : français
— ISBN : non précisé
— Prix : non précisé

Lire l’article sur l’exposition de l’artiste au Centre d’art d’Ivry

Celui qui est avancé en chemin
par Claude Minière (extrait, pp. 5-6)

Daniel Dezeuze expose ses travaux, en France et à l’étranger, depuis 1964. Il a séjourné au Mexique, au Canada, aux U.S.A. et en Chine. Ses Grilles prenaient légèrement l’espace; ses Échelles donnaient la mesure et la menuiserie de dispositifs perceptifs; les Objets pour cueillette tendaient une liaison graphique de la terre au ciel; les Treillis, de 1995, sont « extensibles »; certaines des formes géométriques qui ponctuent l’œuvre ne sont pas sans rappeler (losanges, ellipses) les motifs décoratifs peints sur les cuirs des Indiens d’Amérique du Nord (Arapaho). À l’occasion d’une exposition en septembre 2001, à Strasbourg, de peintures et sculptures, Nefs et polychromies, l’artiste prévenait : « Aucun mythe, aucune narration, aucune fiction n’ont alimenté (ou ne doivent alimenter) ce qui est là, à portée du regard ».
Mais comment ce qui est là est-il apporté du regard par une telle mise en garde, et quel « jeûne » même assurerait son autonomie ? De ses réalisations et de son action D. Dezeuze dit qu’ils procèdent « par dérives et digressions » [Le poète Ezra Pound ne justifiait pas autrement le mode d’écriture de ses Cantos. Mais n’est-ce pas aussi le « geste » du calligraphe chinois ?]. C’est dire : prêter la main en chemin.

Prêter la main, c’est donner à la sensation et à la rêverie le théâtre de leur déploiement et de leur repli, comme le mot sur le bout de la langue la figure sous la pointe du crayon. De diverses factures, chez différents artistes, il y a quelque chose toujours de spécial au dessin et qui est cette torsion des droites qui partent en vrille dans le support, cette souplesse du retard sous la dureté de la pointe. Une attente et une décision. Une pureté saturée de corrections. La figuration est un éclair qui attend son grondement. On peut voir le chemin de cette vrille dans les « quenouilles » de Louise Bourgeois, on peut le voir dans les dessins de Max Beckmann [Adam et Eve, Résurrection, Faust endormi, …] sans le retrouver dans les peintures. Cette tournure de coquillage et de vortex que prennent les feuillages, les constellations et des crucifixions. On peut le voir par l’épée, écho de croix, de L’homme qui court de Kasimir Malévitch, et par la petite épée aussi que dessinait Antonin Artaud dans ses cahiers des Nouvelles Révélations de l’Être. Il y a quelque chose de spécial et qui est la vrille d’une vérité, d’un effort contre le mensonge, d’une lutte au milieu des ouis et des nons. Comme la poésie sort une ligne du fouillis.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions du Centre d’art d’Ivry)

L’artiste
Daniel Dezeuze est né en 1942 à Alès. Il vit et travaille à Sète.