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Using images

10 Mai - 07 Sep 2014
Vernissage le 21 Juin 2014

Les travaux retenus pour cette exposition en deux volets s’articulent autour de clichés d’amateurs, de pièces à conviction historiques ou d’images conçues par d’autres artistes. Autant de documents préexistants remis en perspective par des créateurs qui ne ressentent pas ou plus le besoin de produire des photographies originales.

Christian Boltanski, Hans-Peter Feldmann, Bruce Nauman, Cady Noland, Peter Piller, Joachim Schmid, Meredyth Sparks
Using images

«L’artiste ou le poète d’avant-garde, écrit Clement Greenberg, essaie en fait d’imiter Dieu en créant quelque chose qui ne vaille que par soi-même, à la manière dont la nature est valide, dont un paysage — pas son image — est esthétiquement valide: c’est-à-dire quelque chose de donné, d’incréé, libre de toute signification, de toute ressemblance, de tout modèle. Le contenu doit se dissoudre si complètement dans la forme que l’œuvre, plastique ou littéraire, ne peut se réduire, ni en totalité ni en partie, à quoi que ce soit d’autre qu’elle-même».

Publiées en 1939 par le critique d’art new-yorkais, ces quelques lignes amorcent et circonscrivent une esthétique que l’on qualifiera à terme de moderniste. Coïncidant avec l’âge d’or de l’abstraction américaine des années 1950, son hégémonie sera remise en question dans la décennie suivante, soit une période qui correspond à toute une série de chamboulements se traduisant par la prolifération de copies et d’images reproductibles à travers lesquelles l’originalité de l’œuvre d’art prônée par Greenberg sera renégociée à des fins synonymes de démarches hybrides, métissées et résolument impures favorables à l’intégration et l’expansion d’un médium photographique tout particulièrement sollicité.

Si les avant-gardes historiques, à commencer par le Dadaïsme, avaient déjà su faire preuve de stratégies dites «appropriationnistes», il faut attendre les années 1960, le sacre du Pop Art et ses ramifications et déviations (Nouveau Réalisme, Réalisme capitaliste, etc.) pour que le réemploi sous ses différentes facettes devienne monnaie courante en matière de création artistique. De tels procédés ne sont pas exclusifs aux arts plastiques — que l’on songe par exemple aux détournements situationnistes, au genre littéraire du «cut-up» cher à Brion Gysin et William Burroughs ou dans un registre musical à certaines compositions de Luciano Berio — mais ce sont clairement les premiers qui ont su témoigner d’un champ d’expérimentation infini dont le succès et la capacité de renouvellement n’ont jamais été démentis depuis une cinquantaine d’années.

On en veut pour preuve le triomphe de la pictures generation dans les années 1970 puis plus près de nous la généralisation, voire la banalisation d’opérations reflétant une forme de «postproduction» pour reprendre un terme introduit par le critique d’art Nicolas Bourriaud. Les artistes dont les œuvres répondent à cette appellation précise ce dernier «contribuent à abolir la distinction traditionnelle entre production et consommation, création et copie, ready-made et œuvre originale. La matière qu’ils manipulent n’est plus première. Il ne s’agit plus pour eux d’élaborer une forme à partir d’un matériau brut, mais de travailler avec des objets d’ores et déjà en circulation sur le marché culturel, c’est-à-dire déjà informés par d’autres. Les notions d’originalité (être à l’origine de), et même de création s’estompent ainsi lentement dans ce nouveau paysage culturel marqué par les figures jumelles du DJ et du programmateur, qui ont tous deux pour tâche de sélectionner des objets culturels et de les insérer dans des contextes définis».

Les travaux retenus pour cette exposition en deux volets (l’une au Centre Régional Photographique pensée à partir de la collection photographique du Frac Nord-Pas-de-Calais, l’autre au Frac prenant appui sur une œuvre du CRP complétée de propositions annexes) s’articulent autour de clichés d’amateurs, de pièces à conviction historiques ou d’images conçues par d’«autres» artistes. Autant de documents préexistants remis en perspective par des créateurs qui ne ressentent pas ou plus le besoin de produire des photographies originales, préférant reproduire, réinvestir, contaminer et décontextualiser dans une optique postmoderniste des éléments ready-made retenus pour des raisons diverses et variées (travail de mémoire, interrogations touchant au statut d’auteur, etc.) accentuant ainsi le large spectre de possibilités mis à la disposition d’artistes qui incorporent dans leurs pratiques des images déjà faites.
Erik Verhagen

Commissariat
Erik Verhagen

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