DANSE | SPECTACLE

Une lente mastication

02 Fév - 09 Fév 2012

En procédant par répétitions de modules chorégraphiques, eux-mêmes composés de reprises, répétitions, boucles et accumulations, Myriam Gourfink propose à ses interprètes une partition à se réapproprier, à littéralement incorporer par le mouvement d’Une lente mastication.

Myriam Gourfink
Une lente mastication

Exploratrice du moléculaire, Myriam Gourfink réfléchit au mouvement qui précède les gestes, à la circulation de lʼénergie et la grammaire qui la fonde. Le temps se diffracte et impose la scansion dʼune nouvelle dimension physique et esthétique.
Et cʼest cette sinuosité même qui ouvre à de nouveaux protocoles, à cette enquête presque scientifique du vivant, en tout cas dont lʼexigence irrigue la scène de cette précision moléculaire. Ainsi de la nouvelle pièce de Myriam Gourfink, continuité dʼun travail entamé il y a quinze ans, quelque chose revenu aux racines du mouvement mais plus encore, peut-être, à la chimie de ce mouvement. Depuis longtemps la chorégraphe a trouvé dans le yoga la grammaire de sa recherche: le souffle, la concentration, la sensation, qui serviront à lʼécriture de la danse, mais aussi à sa mastication-digestion par les danseurs.

Aussi ce quʼon perçoit, nous spectateurs, cʼest ce même circuit nanométrique qui mène de lʼénergie la plus vitale à la formation du geste. De là que ce nʼest pas tant la lenteur qui caractérise les pièces de Myriam Gourfink que la diffraction même du temps, comme un saut quantique qui ouvrirait aux secrets de la matière. En quelque sorte, il se passe quelque chose dʼénorme à lʼintérieur des corps, et cʼest cela, ce mouvement sismique qui soudain se montre dans les variations écrites de la danse, très écrites même, et comme rendues plus visibles encore par la musique de Kasper Toeplitz – non, pas la musique: la matière sonore, organique elle aussi, nappes flottantes qui augmentent à leur tour la folie exploratoire de la sensualité jusquʼà, donc, la saveur de la mastication.

Après tout, de quoi relèverait lʼintensité dʼun art vivant, a fortiori dʼun art « corporel», si ce nʼétait de cette attention démultipliée à lʼépaisseur de nos sens, à la capacité surtout quʼils ont de recevoir et traduire ce «quelque chose» quʼà toutes forces nous essayons de partager: une expérience de nous?

critique

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