ART | CRITIQUE

Undercuts

PJulie Aminthe
@05 Juil 2012

Les œuvres d’Etienne Chambaud, formées à partir de la face intérieure de peaux animales, séparent les dépouilles de leur identité initiale, tout en floutant la frontière entre pratique artisanale et démarche artistique. L’exposition «Undercuts», a contrario d’un zoo ou d’un musée, met ainsi l’accent sur l’invisible et ses ténèbres.

Les créations d’Etienne Chambaud intitulées Contre-Dépouille présente un ensemble de peaux animales (antilope d’Afrique du Sud, zèbre, girafe, python de Seba) tendues – pour quatorze d’entre elles – sur des châssis au format portrait.
Ni zébrures, ni ocelles, ni rayures, ce sont les faces intérieures des peaux qui sont mises en lumière, permettant au regardeur de découvrir l’envers des animaux, tout en empêchant leur identification.

Privilégier la face invisible des dépouilles animales permet donc à Etienne Chambaud de dévoiler d’étonnants tableaux – à la beauté saisissante, qui respectent en apparence seulement les codes artistiques et muséaux.

Ces Contre-Dépouille sont en réalité paradoxales puisqu’elles répondent matériellement au fameux genre du portrait, mais proposent des figures hypodermiques parfaitement méconnaissables.

La peau de python de Seba – retournée sur un cordon de mise à distance tenu par deux poteaux en acier – fait elle aussi écho à l’univers muséal, particulièrement à son mobilier.
Cependant, tout comme les tableaux, elle laisse planer le doute sur sa fonction et sa nature.
Instrument ou ornement? La question est posée.

Une question que l’on retrouve dans le titre même de la série: Contre-Dépouille, qui renvoie aussi bien aux savoir-faire techniques comme la tannerie ou la taxidermie, qu’à un terme utilisé par les sculpteurs, désignant les portions de moule séparées destinées à permettre le retrait de la pièce majeure du moule appelée «dépouille».
Et si le processus de travail d’Etienne Chambaud se situer entre la pratique artisanale et la démarche artistique?

La lampe sphérique en terre cuite: Soleil Inscrit, suspendue au centre de la galerie Bugada et Cargnel, loin d’éclairer nos lanternes, ajoute de l’obscurité et du mystère à l’exposition «Undercuts».

Opaque, cette lampe est en effet branchée à un câble électrique, mais ne produit aucune lumière. Pour qu’elle retrouve sa faculté initiale, une seule solution: la briser.

Là encore, Etienne Chambaud se plaît à séparer l’objet de son identité, afin de mieux la remettre en question.
Qu’est-ce qu’une lampe qui n’éclaire pas? Que dit un hypoderme de l’être qu’il recouvre?
Entre représentation et essence véritable, entre image et origine, un fossé se creuse.
A nous d’en reconstituer le chemin.

Å’UVRES

— Etienne Chambaud, Contre-Dépouille, 2012. Peau de springbok tendue sur châssis. 10 toiles, dimensions variables
— Etienne Chambaud, Contre-Dépouille, 2012. Peau de zèbre des plaines, tendue sur châssis. 3 toiles, dimensions variables
— Etienne Chambaud, Contre-Dépouille, 2012. Peau de girafe, tendue sur châssis. 280 x 160 x 2.5 cm
— Etienne Chambaud, Soleil Inscrit, 2012. Argile, laiton, poulie et taquet, ampoule, câble et prise électrique. 50 cm (sphère), dimensions variables
— Etienne Chambaud, Contre-Dépouille, 2012. Peau de python de Seba, corde, poteaux acier. 90 x 458 x 32 cm

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