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Under Construction

PFrédéric-Charles Baitinger
@07 Juin 2008

A l’instar de Pénélope (la femme d’Ulysse), défaisant tous les soirs l’ouvrage du matin, Guillaume Linard-Osario pratique un art de l’esquive, de la feinte et du détournement. Ses installations, toujours sur le point d’apparaître ou de disparaître, ne sont pas des œuvres, mais les multiples jeux d’une conscience ironique qui voudrait bien faire de l’art sa cour de récréation.

L’ironie est une bonne conscience ludique disait Jankélévitch, et ce n’est pas Guillaume Linard-Osario qui viendra la contredire: son exposition «Under Construction» en est l’illustration parfaite. Tout en elle y rappelle le jeu : jeu d’enfant (la balançoire), jeu d’optique (les tableaux en trompe-l’œil BA Relief et Section), jeu sonore (l’installation Le Courant ne passe pas).

Mais il faudrait aussi ajouter à cette liste tous les décalages malicieux qu’il propose au spectateur en guise de blague ou de canular : l’installation Mise en bouche (où une brique a été scotchée au plafond), les planches Contreplaqué fossile (où l’œuvre se réduit à une malformation du bois) et enfin, les rumballers transparents et remplis de gaz d’échappement de la vidéo Black Pillows.

Pas une seule fois dans toute l’exposition, Guillaume Linard-Osario ne présente une œuvre telle qu’on l’entend d’ordinaire. Toutes semblent inachevées ou négligées dans leur exécution. Mais il n’y a là rien à redire : n’est-ce pas justement le propre de l’ironiste que de ne jamais vouloir se prendre au piège d’une forme achevée.
L’essentiel ici se joue dans l’idée de processus car pour l’ironiste, l’œuvre se confond toujours avec  l’instant de sa pratique. C’est pourquoi il se doit d’avoir la capacité de faire et puis, l’instant d’après, de tout détruire — même si ces deux gestes, de son point de vue, n’en forment qu’un.

Mais un secret demeure: au nom de quel sens caché Guillaume Linard-Osario pratique-t-il cet art de l’inachevé ? Car si sa pratique ressemble à celle de Pénélope, c’est qu’il doit lui aussi attendre son Ulysse — mais qui est-il ? C’est là, nous semble-t-il, le problème auquel l’artiste refuse de se confronter.
Et même s’il affirme dans une interview, que ses dernières œuvres dissimulent l’idée qui les conduit (ce qui est bien normal de la part d’un ironiste), en tant que jeu, elles ne peuvent avoir d’autres finalités qu’elles-mêmes; ce qui veut dire aussi qu’elles ne peuvent être aimantées à une fin qui les transcende et qui ferait de leur inachèvement une stratégie en vue d’une œuvre à venir.

Guillaume Linard-Osorio
— Balançoire, 2008. Installation. Pierre, balançoire.
— Pigeon, 2008. Installation. Sculpture en cire de bougie.
— Sac de frappe, 2008. Installation.
— Enseignes, 2008. Installation.
— Tunning, 2008. Installation.

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