ART | CRITIQUE

Un léger vent de travers

PEmma Crayssac
@19 Mar 2009

Énergie brute au service de la peinture, l’exposition de Noël Dolla au Mac/Val invite à suivre l’itinéraire d’un artiste expérimental, auteur d’une œuvre stratifiée où se superposent plusieurs couches de mémoire.

La peinture de Noël Dolla développe un véritable langage fait de réminiscences des gestes des peintres qui ont jalonné son itinéraire artistique : Marcel Duchamp, certains peintres niçois comme Ben et Claude Viallat, mais aussi Géricault et Courbet sont convoqués dans son travail.

La mémoire, voilà ce qui compte pour Noël Dolla, une mémoire artistique, mais aussi des souvenirs plus intimes, Nice, et même sa formation de peintre en bâtiment durant laquelle il utilisait de la tarlatane pour masquer les fissures dans les plafonds.
Noël Dolla cite et revisite explicitement ses maîtres. Sa composition Entre Romantisme et Désespoir (Le Naufrage) fait référence au célèbre Radeau de la Méduse de Géricault. Au-delà du titre, la correspondance opère par la forme du nu féminin dont la position reprend celle du cadavre de la toile de Géricault.

Se rappeler ses aînés pour mieux les oublier… Noël Dolla se fraie son propre chemin dans la peinture, entre esprit Fluxus et Support/Surface. Il opère des va-et-vient permanents entre les pratiques conventionnelles et les expérimentations. Entremêlant des objets (mouchoirs, hameçons), des techniques (fumée, peinture à l’encaustique) et des supports (tarlatane, serpillières), il place son œuvre sous le registre de la mixité, et interroge ainsi nos façons de regarder et de définir la peinture. Chez Noël Dolla, la peinture n’est pas unaire, mais plurielle.

Interroger et remettre en cause son propre travail est une attitude chère à Noël Dolla, qui rejoue nombre de ses expériences picturales comme les passages entre l’abstraction et la figuration, ou l’utilisation de la tarlatane en tant que support, motif et outil.
Chaque geste abandonné est ainsi amené à réapparaître et à créer une série d’échos qui, ensemble, définissent un processus créatif de plus de 50 ans, et traduisent, entre effacement et resurgissement, les mécanismes de la mémoire.

La scénographie de l’exposition «Un léger vent de travers» utilise ce concept du souvenir en scindant l’espace en trois parties fonctionnant comme trois zones de la mémoire. D’abord la mémoire de l’intime, du deuil et de la famille ; puis les développements de l’œuvre et des expériences artistiques ; enfin, les interprétations de l’œuvre de Noël Dolla par l’artiste Philippe Mayaux.

L’œuvre de Noël Dolla ne se laisse pas enfermer dans des catégories établies. Les jardins du MacVal accueillent une structure-étendoir où sont suspendues des serpillières peintes par l’artiste, en forme de relecture de sa première œuvre L’Étendoir, conçue en 1967 à l’aide de deux morceaux de châssis de bois reliés par des cordes où des tissus colorés étaient fixés par des pinces à linge.

Ce travail de déconstruction et reconstruction induit un réapprentissage du regard. Le visiteur doit ouvrir les yeux et l’esprit sur l’histoire de la peinture selon Noël Dolla qui mélange mémoire intime et artistique, intérieur et extérieur, pratique classique et expérimentation. «L’histoire de la peinture, c’est l’histoire de la parole dite par un œil», note Noël Dolla  dans son livre Parole dite par un œil  (L’Harmattan, Paris, 1995).

Noël Dolla
— Fumer n’empêche pas de mourir à (Guantanamo), 2008. Acrylique sur toile. 340 x  210 cm.
— Ne pleure pas pour moi, Jeannette, 2008. Cadre inox, plastique et mouchoirs. 130 x 270 cm.
— Entre Romantisme et Désespoir (Le Naufrage), 2008. Acrylique sur toile, 240 x 190 cm.
— Bonjour Monsieur Dolla, 2008. Acrylique sur toile, 200 x 200 cm
— Origine du monde (moderne), 2008. Acrylique sur toile, 240 x 190 cm

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