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Un jour comme les autres

PAgathe Cancellieri
@17 Oct 2009

À travers trois séries de photos réalisées entre 2002 et 2008, Claire Chevrier traite des rapports que l'homme entretient avec l'espace. Des grands espaces urbains au microcosme de l'usine, la ville est souvent menaçante, mais aussi un espace d'action. A l'instar de Rome, elle devient décor, théâtre empreint de poésie burlesque.

L’exposition se déroule en trois temps et engage le visiteur dans une progression: d’abord les grands espaces urbains, puis l’espace restreint du travail, enfin l’espace théâtral figuré par Rome et ses édifices historiques. Claire Chevrier leur oppose ou associe la figure humaine.

Pour la première série réalisée entre 2002 et 2005, Claire Chevrier procède par typologie comme l’indiquent les titres des photographies, Espace + construction, Croisement-ville, Paysage-ville. Elle cherche ainsi à rationaliser un rapport à l’espace de plus en plus complexe. La ville de l’ère globalisée est dans une constante évolution où se succèdent constructions et démolitions.

Trois grandes métropoles, Le Caire, Bombay, Los Angeles sont photographiées selon le même procédé. Ces grands formats présentent une ville tentaculaire photographiée à partir de no man’s lands: espaces frontières entre zones d’abandon, synonymes de pauvreté, et territoires sur occupés, ceux de la ville.

Deux photographies mettent en scène un homme dont le territoire est celui du no man’s land. Il observe la ville: telle une vision lointaine, elle devient de plus en plus menaçante. Ici, le rapport à l’espace urbain est conflictuel, c’est celui de l’isolement de l’homme face à la ville surdimensionnée. Cependant, il ne s’agit pas pour Claire Chevrier de dénoncer une quelconque destruction de l’homme par la ville. Son regard tente juste de saisir la manière dont l’homme peut s’inscrire dans un nouvel espace écrasant, sans repères.

La seconde série de photographies nous donne peut être la clef de cette intégration de l’homme à l’espace. Claire Chevrier photographie le monde de l’entreprise, celui de l’usine et celui de l’insertion professionnelle.
Aux grands formats de la première série se substituent de petits formats organisés en séquences. Ces séries de trois, cinq ou six photographies qui décomposent les gestes effectués par l’homme, acquièrent un caractère cinématographique. Elles font ainsi référence au titre évocateur donné à l’exposition: «Un jour comme les autres».

L’approche objective de Claire Chevrier côtoie alors la poésie et le burlesque. Cette série répond au monde désenchanté et implacable des grands espaces urbains. Cette fois, les hommes ne regardent pas passivement la ville se construire. Ils prennent part à une activité et s’inscrivent ainsi dans l’espace dans lequel ils travaillent.

L’aboutissement de ces deux premières séries prend forme à travers les photographies prises par Claire Chevrier à Rome alors qu’elle résidait en 2007-2008 à la villa Médicis. La photographe pousse à son paroxysme la représentation de la ville en en faisant un théâtre. Elle engage une réflexion sur le décor. La monumentalité des édifices historiques, la confrontation de bâtiments modernes —tels que des HLM— à des monuments, contribuent à donner un caractère factice à la ville. L’homme ne subit plus l’espace urbain, il ne cherche même pas à s’y inscrire, il est traité comme un figurant de ce décor.

Claire Chevrier pose à travers ces trois séries photographiques, un regard très contemporain sur l’espace urbain. Il ne s’agit ni d’une vision lyrique et romantique, ni d’une vision froide et objective. Sa démarche est celle d’une photographe qui n’impose pas un regard mais cherche à comprendre, à travers différents traitements photographiques, le rapport que l’homme entretient avec son environnement de plus en plus urbanisé et uniformisé.

Finalement, l’homme est bien le personnage principal de ces photographies centrées sur l’espace et l’urbanisation. Qu’il soit dépendant, écrasé, acteur ou figurant absorbé par le décor, il s’agit bien d’interroger la relation de l’homme avec l’espace qui lui est imposé.

Claire Chevrier
— Paysage-ville 03, Bombay, 2002
 Croisement-ville 04, Istanbul, 200
Croisement-ville 01, Bombay, 2002
— Croisement-ville 02, Bombay, 2002
— Espace + construction 09, Le Caire, 2005
— Espace + construction 07, Le Caire, 2005
Espace + construction 11/ Bombay, 2002
 Espace + construction 10/ Le Caire, 2005
— Espace + construction 02, Bombay, 2002
 Espace + construction 03, Los Angeles, 2003
— Espace + construction 01, Bombay, 2002
— Espace + construction 05, Lagos, 2003
— Avenue 04, Le Caire, 2005
 Avenue 03, Damas, 2003
Personnage-espace 01, Rome, 2007
— Espace de représentations 20, Rome, 2007
— Personnage-espace 09, Rome, 2007
— Personnage-espace 03, Rome, 2007
— Espaces de représentation, Rome, 2007
— Groupe-duo, Romans, 2005
— Personnage dans un espace seul n°02 et 01, Romans, 2005
— Espace-intérieur n° 03, 02, 01, Romans, 2005
— Groupe-réunion 02, Romans, 2005

Publications

— Claire Chevrier, Un jour comme les autres, cat. d’exposition, Milan, Silvana Editoriale, 2009.

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