ART | CRITIQUE

Udo Nöger et Michael Burges

PJulia Peker
@12 Jan 2008

Udo Nöger et Michael Burges perturbent les codes de l’abstraction picturale, en creusant imperceptiblement la surface de la toile. La lumière est sculptée par une profondeur intangible, brouillant la perception.

Udo Nöger et Michael Burges travaillent la peinture en s’arrachant subrepticement à la stricte surface de la toile. Irréductibles aux deux dimensions de l’image plane, ces œuvres apparaissent et se modifient au gré des effets de lumière et de distance. L’abstraction ouvre les portes d’une métamorphose sculpturale de la peinture, sans quitter pourtant le cadre de la toile.

Michael Burges s’attache depuis longtemps à restituer les impressions optiques de réfraction, dans lesquelles les formes se brouillent insensiblement quand elles apparaissent à travers une matière translucide.
Sa dernière série s’intitule Virtual Space, et défie le regard de ses effets de flou. Enfermée derrière un bloc de plexiglas, la toile est encastrée dans un bloc de lumière striée. Les rainures verticales du plexiglas diffractent les rayons : la lumière est modifiée par la matière qui la conduit.
La toile, recouverte de lignes horizontales, apparaît brouillée. La surface est irisée par cette lumière striée, et l’image se refuse à la netteté. Impuissant à se fixer, le regard avance et recule, et la peinture se métamorphose selon la distance adoptée.

La matière translucide et striée du plexiglas prolonge les travaux plus strictement picturaux menés par Michael Burges. Les séries antérieures s’en tenaient aux moyens de la peinture, pour restituer les impressions d’optique provoquées par les matières translucides. Il trouve ici un moyen technique de provoquer cette vibration lumineuse de la couleur. L’artifice sculptural réduit la part de contingence de l’œuvre, asseyant la recherche sur un procédé matériel à l’effet systématique.

Les toiles d’Udo Nöger jouent elles aussi d’une dimension sculpturale de la toile, mais de manière plus secrète. Quelques formes émergent d’une brume blanchâtre, plus ou moins présentes selon leur intensité lumineuse.
Udo Nöger utilise également des matériaux translucides: la toile, découpée, creusée, enduite de cire, est enfin recouverte d’un voile de soie. La lumière s’immisce entre la toile et le voile : plus la toile est près, plus la peinture recouverte apparaît. Les formes impriment leur halo à la surface du voile, comme une source irradiante.
Condamné à ne voir que l’effet de surface de cette profondeur cachée, l’œil échoue à délimiter de stricts contours.

Udo Nöger et Michael Burges creusent chacun à leur manière l’espace plan de la peinture, jouant de la surface pour l’iriser d’une dimension intangible. Sculptée par la lumière, la peinture trouve alors sa troisième dimension.

Udo Nöger
— Gleichfluss, 2001. Technique mixte sur toile. 203 x 303 cm.

Michael Burges
— Virtual Space n°26-05-02, 2005. Huile sur bois sous plexiglas lenticulaire. 150 x 165 cm.
— Virtual Space n°43-2006, 2006. Technique mixte. 55 x 55 cm.
— Virtual Space n°18-2004, 2004. Technique mixte. 150 x 150 cm.

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