ART | CRITIQUE

Two Nots

PElisa Fedeli
@28 Oct 2011

Dans ses sculptures, Mick Peter se plaît à imaginer une iconographie incongrue. Pour preuve, les deux nouvelles œuvres qu’il présente à la galerie Crèvecoeur tiennent autant du bretzel, du nœud de marin que du lacet de chaussures! Un imaginaire absurde, doublé d’une réflexion sur les différents modes sculpturaux, tels sont les enjeux de ces œuvres.

Dans l’exposition «Two Nots», deux sculptures déploient chacune les courbes d’un nÅ“ud surdimensionné, telle une écriture calligraphiée dans l’espace. Lacet de chaussures, bretzel ou nÅ“ud de marin? C’est dire combien leur forme a le don d’éveiller chez le spectateur toutes sortes d’élucubrations, toutes aussi absurdes les unes que les autres.

Plus en détail, certains éléments composant les sculptures viennent perturber le regard: ici une vieille chaussure sert de pied bot à l’une des courbes du nÅ“ud, là sur le socle une chaussette est étendue, tandis que de petits volumes ronds, de la taille d’un ballon, sont fixés à divers endroits.
Ces éléments insolites et triviaux semblent des résidus d’interventions humaines passées, comme si la sculpture avait été complétée ou utilisée a posteriori. Ainsi l’œuvre, en intégrant son propre usage, est ramenée au temps, réel et anarchique, de la vie.

La technique également, qui est la même pour les deux sculptures, renvoie à une dimension vitale: barbouillées de ciment et de jesmonite (une sorte de latex), les surfaces sont grumeleuses, rugueuses et faussement molles. Mick Peter opère ainsi un mélange jouissif des genres. L’abstraction minimale et équilibrée décrite par le nœud est parasitée par son contraire: le fait-main, le sale, le gestuel.

Si l’art de Mick Peter a des traits communs avec celui d’Anthony Caro qu’il affectionne particulièrement — tous deux créent des assemblages abstraits à partir de matériaux récupérés puis les recouvrent d’une couche homogène de matière —, il s’en éloigne pour plusieurs raisons. Chez Mick Peter, la couche qui recouvre la sculpture ne sert pas à stabiliser l’objet; au contraire elle ne le fait que vibrer davantage.

L’artiste allemand se situe plutôt du côté d’une caricature de la sculpture minimale, qu’il cherche à déplacer dans la vie. Cette conception, prégnante dans tout son travail, trouve son meilleur exemple dans des volumes salis par la présence d’un oiseau en train de déféquer. C’est une manière de questionner, non sans humour, les différents modes sculpturaux et le devenir des Å“uvres destinées à l’espace public. Cet esprit subversif rejoint celui de Franck Scurti qui, avec sa sculpture maculée de tags, a lui aussi imaginé ce que ses Å“uvres pourraient devenir demain.

L’échelle des sculptures de Mick Peter est en outre si particulière qu’elle empêche de les situer: monument ou fétiche? De même, leur poids est difficilement estimable: plume ou plomb? Comme l’on connaît le goût de l’artiste pour les matériaux légers (en particulier le polystyrène), on ne s’étonnerait pas que ces sculptures-là, aussi imposantes soient-elles, aient la légèreté du vent.
En somme, chez Mick Peter, tout est affaire de simulacre. Et de gag.

Å’uvres
— Mick Peter, Not William, 2011. Matériaux divers. 195 x 153 x 48 cm
— Mick Peter, Not William (détail), 2011. Matériaux divers. 195 x 153 x 48 cm
— Mick Peter, Two Nots, 2011. Encre et crayon sur papier. 43,5 x 35 cm
— Mick Peter, Not William (détail), 2011Matériaux divers. 195 x 153 x 48 cm
— Mick Peter, Two Nots, 2011. Vue de l’exposition
— Mick Peter, Not Mary, 2011. Matériaux divers. 180 x 165 x 44 cm

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