ART | CRITIQUE

Turn Left

PMarie-Jeanne Caprasse
@18 Avr 2012

Contempler, prendre le temps de fixer le regard et de chercher ce qui fait sens. Voilà ce qui peut guider la visite de cette exposition qui réunit l’artiste uruguayen Marco Maggi et le photographe grec Panos Kokkinias. Les rapports d’échelle questionnent, entre infime et monumental.

Tout en légèreté et en finesse, l’art de Marco Maggi capture le regard et provoque la surprise. Il travail sur l’infime, l’apparition et la disparition, le plein et le creux. Sa pratique oscille entre une sophistication de la forme maîtrisée au millimètre près et une simplicité surprenante dans le choix de ses matériaux : ramettes de papier posées à même le sol, supports dia, pommes, papier aluminium, enveloppes… L’équilibre naissant de la minutie de ses découpages et de ses compositions soigneusement encadrées dans des boîtes en plexiglas donne une grande force à ses œuvres. Elles sont là, présentes, dans une forme qui semble avoir toujours été la leur.

Travaillant sur la répétition et les variations en séries, il combine formes et matériaux avec une grande inventivité. On est admiratifs devant la finesse de ces découpes dans le papier qui laissent découvrir sur leur revers ou le plan inférieur une nouvelle couleur et créent une composition en volume. Plus qu’un travail sur la ligne, c’est un travail sur l’entaille qui domine, inscrivant à chaque fois sa recherche dans un désir de créer des objets qui se déploient au-delà de la surface bidimensionnelle.

Epousant l’architecture du lieu en tournant sur la gauche (Turn left), l’installation au sol composée de 52500 feuilles de papier A4 et de 105 feuilles entaillées nous convie à un cheminement qui prend vite la forme d’une chasse aux trésors. C’est un monde caché qui nous est révélé, un monde sous la surface, hébergé au creux de la matière. La main de l’artiste transforme le regard porté sur ces objets manufacturés si familiers et fait surgir la poésie au cœur du quotidien.

Si, dans les deux premières salles d’exposition de la galerie, Marco Maggi porte notre attention sur l’infime, les photographies de Panos Kokkinias nous font quant à elles ressentir la monumentalité des paysages où la nature grandiose domine l’humain. Les quatre photographies de très grand format présentées ici figurent des paysages méditerranéens où la mer bleue parait aussi accueillante que sur une photographie touristique. Et pourtant, même si ces clichés capturent des sites naturels de rêve, c’est le poids d’un milieu hostile que l’on perçoit. L’homme qu’il intègre dans ses compositions ne semble jamais à la mesure du paysage, il est écrasé, ridiculement petit et comme infiniment seul dans cette immensité. Sa présence semble même incongrue et source d’étrangeté.

De ces belles images, se dégage un spleen, une mélancolie irréductible, qui ne vient pas du traitement photographique en lui-même, net et lumineux, mais qui tient à ce que le photographe grec réduit l’homme à l’état de signe, de symbole. Apparaissant minuscule et perdu dans le décor, il est la manifestation même de notre solitude. Car ce qui intéresse l’artiste est moins la mise en place d’une narration qu’un questionnement métaphysique sur le versant dérisoire de la vie humaine avec une mise en perspective de l’homme dans son rapport au monde.

Å’uvres
— Marco Maggi, Graph, 2012. Graphite sur feuille de graphite. 94 x 94 x 5 cm
— Marco Maggi, Frozen Ream, 2011. Entailles sur prisme de Plexiglas. 21,6 x 28 x 5 cm
— Marco Maggi, Micro and soft on Macintosh Apple, 2004. Video 4 min
— Marco Maggi, Yellow Sliding, 2012. Découpes sur 324 feuilles de papier sur diapositives. 94 x 94 x 5 cm
— Panos Kokkinias, Arcadia, 2011. Digital C print. 120 x 165 cm
— Panos Kokkinias, Circle, 2010. Digital C print. 120 x 156,5 cm

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