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Transfert D’activités

16 Nov - 14 Déc 2007
Vernissage le 16 Nov 2007

Avec la série de photographies «Transfert D’activités», Fabienne Ballandras explore l’actualité économique au travers des logos et des griffes.

Communiqué de presse
Fabienne Ballandras
Transfert D’activités

Dans cette exposition, Fabienne Ballandras nous propose sept photographies. La lecture première de cette série semble d’une déroutante évidence : toutes reproduisent le plus fidèlement possible – plus encore que ses travaux précédents – des images d’actualité ayant illustré des affaires ou des événements précis de la vie économique et industrielle de notre pays. Nul besoin pourtant de se remémorer très exactement la fermeture de l’usine Moulinex de Cormelles-le-Royal et de Daewoo en Lorraine, la remise en cause des trente cinq heures par Bosch, les tout récents licenciements et délit d’initiés d’EADS, la fusion d’Alcatel et de Lucent, etc. Ces images ont tant circulées dans les médias (télévision, presse, Internet) qu’elles en deviennent génériques, voire tristement interchangeables, symptômes d’un fonctionnement économique déterminé par la mondialisation de la production et la toute-puissance des actionnaires.

Ce caractère générique et la froide implacabilité du système appliqué par tous ces représentants du « génie français » technologique, sont ici accentués par des prises de vue le plus souvent frontales, des plans très resserrés ne supposant aucun horizon, n’autorisant aucune échappée. La structuration globalement orthogonale de l’espace ou de l’environnement, l’absence d’arrière plan contextualisant et les grands pans d’architectures quasi monochromes, tirent la représentation vers une abstraction imprégnée de neutralité forçant notre regard à la distanciation, cette même abstraction détachée du réel que note aussi François Bon quand il visite subrepticement une des usines Daewoo abandonnées : « […] tout, charpente, sol et lignes, était devenu géométrie pure ».

Le vivant ne se manifeste plus que dans ses traces, dans les quelques tracts laissés à terre et, surtout, dans les graffiti hâtifs et maladroits inscrits sur chaque bâtiment (« A vendre », « Non à la fermeture », « Usine en grève »). Parmi les signes d’écriture qui lient toutes les images de la série et ménagent un passage de l’une à l’autre, ces griffes s’opposent à l’immuabilité et à la claire définition des logos. Ils posent les lieux comme théâtre d’événements passés, remettent en scène l’absence de tout ce qui a été évacué.

La maquette à l’origine de la prise de vue photographique – procédé récurrent dans tous les travaux de l’artiste – suppose une manipulation des matériaux et une reconstruction de l’image plutôt que sa reproduction. Ce procédé répond de façon quasi métonymique aux stratégies manipulatoires des multinationales en matière de production et de communication. C’est bien de l’élaboration et de la fabrique des images dont il est ici question. Bachelard et Lévi-Strauss avait déjà souligné le potentiel analytique de la miniature, du model réduit et, par extension, de la maquette, vecteurs « d’expérience » de l’objet référentiel. Il s’agit donc de fabriquer pour mieux déconstruire, décoder toutes les stratégies que ces images induisent ou élaborent. Mais c’est aussi cette « connaissance interne » qui permet tant à l’artiste qu’au regardeur de s’en distancier et de se les réapproprier. Contrairement aux séries précédentes qui se présentaient comme une variation autour d’une même image, Transfert d’activités propose autant de photographies différentes, que chacun peut librement combiner et articuler les unes aux autres pour en déclencher tout le potentiel imaginaire.

Plus que jamais d’ailleurs, l’artiste laisse deviner le simulacre à travers la pauvreté des matériaux qu’elle utilise et la fragilité conséquente de ses constructions. Cette pratique de la maquette réinsuffle « l’épaisseur d’humanité » que Lévi-Strauss associait à celle du bricolage. Le vivant, et plus précisément l’activité humaine, qui semblait irrémédiablement évacuée, réapparaît en filigrane dans l’approximation et la précarité rudimentaires des matériaux, dans l’acte manuel lui-même et dans sa matérialité en trois dimensions, par lesquels l’image finalement bidimensionnelle doit transiter.

Sept images plus une… La huitième nous montre une accumulation de banderoles lors d’une manifestation. Bien que construite selon les mêmes procédés, c’est la seule dont le hors champ suppose une réelle présence humaine dans le présent toujours « posthume » de la photographie. C’est également la seule à être fort justement déclinée en multiple : en main ou en tête dès l’entrée de l’exposition, elle pourra, tout au long de notre parcours, opposer le contrepoint de son vivant désordre à la rationalité toute apollinienne des images accrochées au mur…
Anne Giffon-Selle / Fabienne Ballandras, novembre 2007

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