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Tout va bien — Alles in butter

PCéline Piettre
@12 Jan 2008

Avec l’artiste allemand Meuser, de simples objets trouvés issus du monde industriel se travestissent en peintures, en sculptures ou en prémisses d’architectures. Situées en trois points distincts de la galerie Obadia, ses œuvres prennent la forme d’un triptyque dans l’espace, bousculant les genres et les tentatives d’identification historique.

Ceux qui ont cru pouvoir ranger l’œuvre de Meuser dans une catégorie artistique bien définie ont payé d’un échec le prix de leur témérité. Même les plus effrontés, certains de la filiation de l’artiste avec le courant minimaliste, ont dû reconnaître l’ambiguïté de son austérité formelle. Car chez Meuser, les lignes épurées à la géométrie sobre, d’obédience puritaine, dissimulent des discrets effets de matière et une subjectivité latente.

Á dominante rectiligne et orthogonale, la grammaire de l’artiste s’accorde parfois l’audace d’une courbe ou le dynamisme intrépide d’une diagonale. Son apparente sobriété, dans l’utilisation des couleurs et le traitement des surfaces, inclut des jeux de texture et de lumière : le poli d’une plaque de métal s’oppose à l’aspect grumeleux d’une autre, la monochromie des sculptures se pare d’ombres portées, le verre opacifié renvoie notre reflet, à la manière d’un miroir.

Comme son professeur Joseph Beuys — et à la différence des stricts représentants de l’art minimal — Meuser s’intéresse aux matières qu’il travaille, apparentées au registre du sensible. Les objets qu’ils récupèrent au hasard de ses pérégrinations sont porteurs d’une histoire personnelle : celle de sa ville natale, Essen, bastion de la toute puissante industrie sidérurgique en Allemagne de l’ouest, celle de son père, technicien métallurgiste dans une usine locale.

Ainsi, derrière leur abstraction formelle, les œuvres de l’artiste se présentent comme des morceaux de réalité, autobiographique mais aussi sociale et collective. Les pièces de métal, dont on soupçonne la fonctionnalité passée sans pouvoir en déterminer précisément la fonction, sont autant de résidus de notre culture matérielle, symboles de la mécanisation de la production et d’un consumérisme généralisé. Au-delà de toute attente, ces objets trouvés, sortis du circuit économique et assemblés dans d’aléatoires compositions, troquent leur valeur d’usage contre une valeur documentaire.

S’il se caractérise par son ambivalence, le travail de Meuser contient surtout une forte charge ironique : les titres de ses œuvres, humoristiques et décalés, chahutent une certaine idée de l’art, trop sérieuse pour être vraiment honnête. Les couches de peinture masquent la vérité première des matériaux, comme dans ce monochrome orangé, dont la couleur rappelle — volontaire pied de nez ? — l’avenir inéluctable du métal voué à la corrosion. Et, partout, on retrouve la même impression de légèreté, créée par la suspension systématique de ces objets pourtant lourds par essence. Mise à distance, métaphore de «L’insoutenable légèreté de l’être» ?

Meuser
W. Panthon, 2007. Pigment sur acier. 140 x 140 cm
Messtelle Bottrop, 2007. Technique mixte.
Installation de 2 éléments acier 100 x 50 x 70 cm. Huile sur verre. 70 x 100 cm

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