ART | EXPO

Morgane Tschiember

13 Déc - 10 Jan 2008
Vernissage le 13 Déc 2007

Morgane Tschiember expose un mur de parpaings qui utilise comme mortier pour lier les blocs entre eux une matière rose et dégoulinante, substance organique à paillettes.

« Devant le Mur de Morgane Tschiember , on peut d’emblée, ne serait-ce qu’à titre indicatif, évoquer deux œuvres en particulier ; par défaut, ou pour ainsi dire en creux, on songe d’une part à la cloison que Michael Asher fit abattre dans une galerie de Los Angeles en 1974 ; par excès ensuite, c’est la Meat Piece with Warhol Brillo Box (1965) de Paul Thek qui vient à l’esprit.

Composé de parpaings bruts ready-made empilés et cimentés d’un mortier teinté dans la masse, le mur édifié dans la vitrine perturbe à dessein, l’économie des échanges tant visuels que symboliques qui définissent le champ artistique : seuil temporairement réifié entre ses coulisses (mercantiles) et son avant-scène (désintéressée), entre l’espace public et l’espace privé ; autrement dit, entre la production et la diffusion ou encore, entre le besoin (de culture) et le désir (d’art). Ce faisant, à l’instar d’un Michael Asher, Morgane Tschiember indexe la fausse transparence, optique et tactile, de la vitrine et par extension, la feinte neutralité du White cube : une galerie d’art en effet, n’est jamais qu’un lieu délimité par des cloisons de parpaings (ou de moellons) dûment enduits, lissés et généralement blanchis…

Mais les éléments architectoniques et hautement standardisés que sont par excellence les parpaings, rappellent également la production et la diffusion, elle aussi normalisée et sérielle, des biens de consommation courante dûment conditionnés : les boîtes de Campbell ou de Brillo par exemple, fonctionnent elles aussi, comme autant de modules géométriques expressément empilés et exposés comme tels par Warhol à la Stable Gallery en 1964. Mais là où Andy entendait s’en tenir à la forme ou à la seule surface qu’évoquent d’ailleurs les tampons à récurer et faire biller que contiennent précisément les boîtes Brillo, Paul se devait de rappeler le pape du Pop’Art au bon (ou au mauvais) souvenir d’un certain contenu : il devait en effet exposer la même boîte, en l’ouvrant toutefois sur une face où l’on aperçoit un morceau de viande, hand-made en cire non moins parallélépipédique que son contenant. Pourquoi ? « À ce moment-là, répond Thek, il y avait une telle tendance en faveur du minimal, du non-émotionnel, que je voulais dire de nouveau quelque chose à propos de l’émotion, à propos de la face horrible des choses. Je voulais ramener les caractéristiques crues de la chair humaine dans l’art. »

A rebours de ses aînés, Morgane Tschiember procède autant par allusion que par élision plastiques. Comme chacun peut le (perce)voir, le mortier qui est sur le point de dégouliner hors des interstices des parpaings, ne reproduit pas de la « chair » ; le mur se contente simplement, mais avec des moyens précisément non-ressemblants ou dissemblants, de la produire. Ce faisant, l’artiste prend bien soin de distinguer mais aussi de faire jouer entre elles, ressemblance et vraisemblance ou si l’on préfère, représentation et simulation.

Extrait du texte « Devant le Mur …» de Jean-Charles Agboton-Jumeau, 2007.

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