ART | CRITIQUE

Tony Brown. Live Feed

PMagali Lesauvage
@12 Jan 2008

Vis-à-vis des œuvres minimales de l’artiste américaine Rita McBride exposées à la galerie ColletPark, le travail de l’Anglo-Canadien Tony Brown révèle, par le biais d’une réflexion sur l’usage des nouvelles technologies dans l’art, un univers ludique où le numérique est à la base du processus de création.

Au cœur de l’exposition de Tony Brown à la galerie ColletPark se trouve une œuvre énigmatique, sculpture en résine intitulée Live Feed (2007), titre que l’on pourrait traduire par « nourriture vivante ». S’y trouve figuré un requin, comme enfoncé à mi-corps dans un socle rouge éclairé d’un néon. Le requin a été réalisé grâce à une technique de reproduction en trois dimensions d’une image numérique, découpée dans de la résine.
La notion d’œuvre statuaire est attribuée à ce prédateur ainsi maîtrisé grâce à la présence du socle, attribut et préalable à la sculpture comme objet. Pourtant l’œuvre ne résulte pas d’un travail manuel de l’artiste, mais d’une technologie numérique de pointe.

L’image numérique est également à l’origine du triptyque True/Angel Fall/Lies (2007), pour lequel Tony Brown a retravaillé sur ordinateur des images et des couleurs qu’il a assemblées de manière à former des compositions éclatées, non réalistes, à la limite du figuratif et de l’abstraction.

Pour le film numérique Pinocchio (2007), il s’est inspiré de l’histoire du petit pantin de bois imaginé par Carlo Collodi, artefact créé par l’homme et amené à la vie par la volonté de son créateur. Tony Brown illustre ainsi le thème de l’art (également au sens d’« artisanat ») comme mode de concrétisation de l’idée. Dans la projection DVD, Pinocchio est situé dans une sorte de monde virtuel où flottent dans l’espace des formes non reconnaissables. Seul élément « réaliste », le personnage de fiction est confronté à une forme sphérique, qu’il tente de maîtriser. Il incarne ainsi la relation parfois conflictuelle entre le spectateur (et peut-être l’artiste) et les formes et les objets potentiels, préexistant virtuellement dans l’imaginaire du créateur, et qui, comme Pinocchio ou le requin de Live Feed, nécessitent pour leur réalisation le recours à la technique, qu’elle soit ou non de la main de l’artiste.

Voir également l’article sur l’exposition personnelle de Rita McBride, « Slighted Curiosity », à la galerie ColletPark.

Tony Brown
— True/Angel Fall/Lies, 2007. Image numérique, c-print sur aluminium. Triptyque 306 x 142 cm
— Live Feed, 2007. Résine, néon, prolab cut. 80 x 90 x 240 cm
— Pinocchio, 2007. DVD projection. 2 mn.

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