DANSE | SPECTACLE

Artdanthé | Tomorrowland

19 Mar - 19 Mar 2019

Avec Tomorrowland, le couple de chorégraphes Annabelle Chambon et Cédric Charron livre un trio énergique, sur un live électro-rock. Une performance musclée, où la danse permet de relâcher la tension d'une société aux apparences peut-être un peu trop bien sous tous rapports.

Chorégraphes français, Annabelle Chambon et Cédric Charron (Cie Troubleyn) travaillent avec le chorégraphe belge Jan Fabre depuis, respectivement, 2000 et 1999. Ils sont même les co-fondateurs du Jan Fabre Teaching Group. Autrement dit, ce sont des membres-clés de la compagnie Troubleyn, dont les performances rayonnent souvent d’une puissante énergie chorégraphique. Indissociables de cet esprit de blast créatif, avec Tomorrowland (2017) ils livrent une pièce tumultueuse. Sur scène, trois performeurs — Annabelle Chambon, Cédric Charron et Jean-Emmanuel Belot. Le nom de la pièce ? C’est celui d’un festival belge de musiques électroniques. Fondé en 2005, le festival Tomorrowland oscille entre Woodstock, Burning Man, Sonar… Un grand maelström de couleurs, sons et énergies, vers lequel convergent chaque année quelques cent-cinquante à deux-cent-mille personnes. Et dont l’avatar français, Tomorrowland Winter, se déroule d’ailleurs actuellement à l’Alpe d’Huez. Focus déjanté sur trois performeurs, Tomorrowland d’Annabelle Chambon et Cédric Charron pulse au son d’un live électro-rock.

Tomorrowland d’Annabelle Chambon et Cédric Charron : un live électro-rock déjanté

Pédales Wah wah et synthétiseurs, Tomorrowland envoie du son et de la pulsation. Et ça vibre en profondeur sur les scènes investies par les trois performeurs. Tandis que Jean-Emmanuel Belot gère le live, un brin acidulé et vrillé, Annabelle Chambon et Cédric Charron électrisent le lieu. Demi-bûches et panneaux (cartons, bannières…) jonchent l’espace. Free party ? Terrain militaire squatté ? Manifestation forestière sauvage, façon Hambi — cf. l’occupation de la forêt allemande de Hambach pour protester contre sa destruction ? Jardin d’un asile psychiatrique peuplé de gens perchés ? Tomorrowland ne promet ni explications ni lendemains qui chantent. Tomorrowland se pose là, avec sa réalité chorégraphique. Et quand l’un des danseurs gesticule avec un sparadrap sur le visage, lui retroussant le nez, résonne alors le diptyque Monster (1996), de Douglas Gordon. Un autoportrait où il se représente deux fois, pareillement impassible, mais reconfiguré par du scotch dans l’une des deux images.

Une performance chorégraphique en forme d’exutoire : bienvenue à Tomorrowland

Langues pendantes et rouge vif, paillettes à profusion, convulsions et éructations primales… La pièce Tomorrowland plonge dans le trop-plein en forme de crise de nerfs. Il y a presque quelque chose des Idiots (1998), de Lars von Trier, dans ce lâchage imprégné de rock et de mots. Tout en cultivant une tension entre niveau de symbolisation très sructuré (verbalisation écrite) et expression frontale, convulsive, du trop-plein énergétique. Un contraste qui se retrouve par exemple lorsque deux jeunes filles, portant des sweat-shirts blancs imprimé de « chair » et « fraîche », viennent tirer la langue au public. Une langue bleue, surmontée d’un air blasé. Sont-ce deux des filles des chorégraphes – mariés, avec trois enfants ? Peut-être. Pièce aussi hermétique que communicative, Tomorrowland dessine un pays où les enfants sont déjà revenus de tout, et où les adultes gesticulent dans des espaces saccagés. Pour une performance musclée, en forme d’exutoire collectif.

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