DANSE | SPECTACLE

Primal

25 Jan - 26 Jan 2018

Un cri, c'est un souffle, une voix, un contexte, un geste. Mais aussi un arrêt, un frisson, une suspension, une délivrance. Et beaucoup d'autres choses encore, en lisière de l’indicible. De cet en-deçà ou au-delà des mots, le chorégraphe catalan Tomeo Vergés tire un spectacle intense : Primal. Une exploration, par la danse, du cri.

Le spectacle de danse contemporaine Primal, du chorégraphe catalan Tomeo Vergés, s’articule autour du cri. Qu’est-ce qu’un cri ? Qu’y a-t-il dans un cri ? Un acte libérateur ou un appel au secours ? Comment réagir en entendant un cri ? Que faire quand le silence devient criant ? Autant de questions formant la matière viscérale du nouveau spectacle de Tomeo Vergés et la compagnie Man Drake. Avec Primal s’initie un périple au fond du corps, là où se forment et défont les cris. Une plongée dans l’inconscient. Une confrontation avec les mécanismes de contrôle, en charge de frustrer et ravaler les cris. Pièce pour cinq interprètes (Sandrine Maisonneuve, Alvaro Morell, Antje Schur, le musicien Denis Mariotte et la chanteuse Eve Coquart), Primal fait ainsi surgir des paysages intérieurs. La texture sonore entremêle souffle, voix, silence. Autrement dit, la chair de l’intime et du trouble.

Primal de Tomeo Vergés (Cie Man Drake) : la démultiplication chorégraphique d’un cri

Depuis une trentaine d’années, la texture du cri parcourt ainsi l’œuvre de Tomeo Vergés. Asphyxie, Troubles du rythme… Ses pièces scrutent la trame de la physicalité. De ce qui fait émotion, mouvement. Avec un processus créatif proche de l’éclatement, notamment inspiré par un texte du dramaturge Heiner Müller : Paysage sous surveillance [Bildbeschreibung]. Déambulation verbale, Paysage sous surveillance prend les traits d’une description ininterrompue, d’un paysage fuyant. Avec un récit où plus la description du paysage s’affine, au fil d’une longue phrase sans fin, plus la saisie se dérobe et bascule dans l’hallucination. Le spectacle Primal, dans sa désarticulation du cri, du mouvement, capture cette même énergie de fission et fragmentation.

Primal : par la danse, plonger dans l’intime des corps, des paysages intérieurs

Le dispositif scénique (conçu avec Anaïs Heureux) déploie ainsi un décor en forme d’incubateur. Un espace jonché de masses de cheveux sombres, sources de réconfort comme d’angoisse. Fourrure, scalps, étouffement, chaleur, tonsures, renaissance… Dans les mythes, y compris celui de Samson et Dalila, la force primaire réside souvent dans la toison. Tandis qu’à l’autre extrême du spectre des inspirations de Primal se dressent notamment Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock. Soit le reflet troublant d’une animalité ancestrale, entre traque et prédation. « Quand je demande à quelqu’un de crier, je me rends compte de l’impudeur et de la violence que cela représente. C’est une sorte de mise à nu dans laquelle la personne livre ce qu’elle a de plus intime » (Tomeo Vergés). En pistant les instincts premiers, comme Heiner Müller chasse le paysage, le spectacle Primal diffracte le cri en une multitude d’éclats chorégraphiques.

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