PHOTO | CRITIQUE

Tokyo Nude

PSarah Ihler-Meyer
@23 Oct 2009

Photographiés en milieu urbain ou dans l’intimité d’une chambre, les nus de Kishin Shinoyama valent autant pour eux-mêmes que par la relation qu’ils tissent avec leur environnement. Les corps sont vecteurs de plaisir visuel et de discours.

D’une photographie à l’autre Kishin Shinoyama change le statut du nu. Kanako 1, 2, 3 et 4, issues de l’album Accident 1/ Water Fruit (1991), montrent une célèbre actrice japonaise dans une salle de bain ou dans une chambre.
Pour la première fois au Japon les poils pubiens sont exposés au regard: la voie est désormais ouverte à Nobuyoshi Araki, photographe japonais le plus exporté à l’heure actuelle.
Le noir et blanc de ces photographies conjugué aux poses langoureuses de la jeune femme mettent en valeur ses courbes, ses seins, ses hanches et son visage. L’humidité ambiante, les cheveux mouillés de l’actrice et les gouttes d’eau qui perlent sur sa peau contribuent à l’atmosphère érotique.

Portrait 1 et 2 présentent, quant à eux, le visage d’une femme en gros plan. Le velouté, les plis de la peau et la rondeur des formes sont exacerbés par un noir et blanc doux et granuleux.
Ici le corps est manifestement célébré pour lui-même. Les éléments du décor tout comme le regard suave de l’actrice ne sont là que pour en intensifier les charmes.

Avec Solaris, Lost, Duplex, Face to Face ou encore Taxi Girl, photos extraites du livre Tokyo Nude (1990), le nu possède un tout autre statut: objet de délectation, il devient vecteur de sens.
Dans des mises en scène en plein air ou dans un loft, toujours de nuit, des femmes uniquement vêtues de bas résille et de talons aiguilles font face à l’objectif. Placées sur fond d’immeubles et de vitrines irradiants, ces nus aux allures de prostituées deviennent les parties d’un tout, comme un mot à l’intérieur d’une phrase. Le décor, l’incandescence des couleurs, la sensualité des formes ne sont plus les faire valoir des corps mais les éléments d’un discours.

En insérant des nus dans des lieux clinquants, Kishin Shinoyama capte l’esprit d’une mégalopole sous le signe du sexe et de l’argent. « En posant un sujet improbable dans un lieu précis, on provoque une permutation qui permet de discerner l’évidence que l’on ne discernait pas jusque là» (Kishin Shinoyama)
«Ici, le nu n’est plus nu» (Kishin Shinoyama), mais porteur d’un ensemble plus vaste.

Kishin Shinoyama
— Tokyo Nude, from the book 20XX Tokyo/ No Nude, 2009. 45 x 30 cm. Impression couleur sur papier 2009
— Face To Face, from the book Tokyo Nude, 1990. 60 x 75 cm. Diasec 2009
— Duplex, from the book Tokyo Nude, 1990. 80 x 224 cm. Diasec 2009
— Kanako 3, from the book Accident 1/ Water Fruit, 1991. 30 x 30 cm. Tirage argentique 2009
— Portrait. 130 x 30 cm. Impression jet d’encre 2009

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