ART | CRITIQUE

Time Dust

PEmmanuel Posnic
@17 Mar 2008

Ciels vaporeux et capsules géodésiques, installez-vous dans la quatrième dimension. Les oeuvres de Laurent Grasso ont beau se teinter de surnaturel, elles restent attentives à des phénomènes très terriens, comme la croyance et la fiction.

Rentrer dans l’espace d’exposition de Laurent Grasso, c’est faire l’expérience d’une vision détournée du réel. Les paysages et les récits existent bel et bien. Mais ils sont discrètement piégés, mis à l’épreuve d’une force étrangère, celle-ci parfois invisible, qui, sans être agressive, assoit pourtant son autorité.

Le ciel tourmenté de 1619, installe cette sensation, comme une indolence paisible qui n’inspire jamais la tranquillité. Les nuages s’y débattent sans discontinuer, saturant et gonflant le paysage, saisissant des couleurs étonnantes, du gris au vert émeraude. Laurent Grasso y reconstitue une aurore boréale, ce qu’ailleurs, dans la vidéo intitulée TimeDust, les scientifiques obtiennent en plaçant des antennes de télescope astronomique.

Voilà bien l’une des clés de son travail. Reconstituer des phénomènes sensibles, relire une actualité scientifique d’autant plus brûlante qu’elle interroge notre rapport à l’autorité institutionnelle. Plus précisément ici, l’autorité de l’institution militaire.

«TimeDust» érige au centre de l’espace d’exposition une sphère directement inspirée de celle construite pour le réseau américain Echelon. Nous la retrouvons dans le paysage de 1619 et dans une maquette de la base militaire Echelon (l’installation formée par un bloc laqué noir s’intitulé également Echelon).
Cette sphère présente la particularité d’enfermer une antenne capable de réfléchir les ondes électromagnétiques émanant de l’atmosphère. Les réfléchir et sans servir. Car appliquée en dehors des laboratoires scientifiques, cette énergie électrique permettrait d’influer sur le climat ou encore d’intercepter et de contrôler les communications humaines transmises par les ondes.

L’hypothèse évoquée à demi-mot inquiète. Laurent Grasso s’en saisit pour croiser la croyance et la fiction, détourner enfin le réel de son ordre souverain. Mais au-delà du processus narratif, l’artiste cherche à produire un autre type d’images. Sensibles et poétiques d’un côté, hypnotiques et étranges de l’autre. Comme une interstice entre l’art et la science. Avec l’électricité comme fil conducteur.

Laurent Grasso
— 525, 2007. Sphère géodésique. 150 cm (diam.).
— 1619, 2007. Installation vidéo sonore. 7min 30 sec en boucle.
— Echelon, 2007. Stéréo lithographie, socle en bois laqué, plexiglas. 100 x 100 x 180 cm
— TimeDust, 2008. Vidéo, moniteur brionvega, socle en MDF laqué. 12 min en boucle.
— Time Dust, 2008. Néons, plexiglas, transformateur.
— Anechoic Wall, 2008. Acier laqué. 80 éléments de 30 x 30 x 30 cm chaque
— La Fin du monde, 2008. Vidéo. 40 min

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