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Thingnothing

PMarguerite Pilven
@12 Jan 2008

Des photographies aux cadrages horizontaux ou verticaux qui suivent les propriétés physiques des objets et les soulignent. Les formats sont monumentaux et l’objet choisi pour cette série est la bouteille en plastique qui, photographiée sur un fond neutre, atteint alors un degré fascinant d’abstraction.

L’itinéraire de Claus Goedicke est celui d’une fascination pour les objets. Son programme pourrait être celui de Ponge : « revenir aux choses même », pour les élever au rang d’ob-jet, c’est à dire de ce qu’on jette devant soi pour mieux le considérer. Deux ensembles de photos, l’un en noir et blanc et l’autre en couleur, exposés à l’entrée de la salle d’exposition, montrent les prémices des travaux actuels. Goedicke photographie les objets dans leur véritable contexte : une cafetière électrique voisine des tasses sur une table de cuisine, des flacons de parfums, tubes de crème et shampooing sont rangés sur un meuble de salle de bain, dans un soucis d’ordre formel que préside la recherche d’un rythme. Les cadrages horizontaux ou verticaux suivent les propriétés physiques des objets et les soulignent.

Désormais, les formats sont monumentaux et l’objet choisi pour cette série est la bouteille en plastique, photographiée sur un fond neutre, isolée de tout contexte. Goedicke en a ôté toute étiquette, faisant ainsi valoir son caractère sculptural, son disegno. Le choix du ton sur ton est aussi une constante de cette série : la bouteille a la même couleur que le fond devant lequel elle est placée. Elle est souvent photographiée de côté afin d’en exhiber la jointure, la ligne d’assemblage de ses deux parties. Goedicke l’éclaire avec insistance, comme pour mieux accentuer notre rapport frontal à l’objet.

Un dispositif méticuleux d’éclairage sépare les plans ou les confond, met en valeur le volume de la bouteille ou la dissout dans le fond jusqu’à la limite de son évanouissement. Jouant sur ces différents degrés de visibilité, Goedicke pousse ces objets triviaux jusqu’à un degré fascinant d’abstraction. La lumière se propage, immatérielle, et brouille les rapports entre figure et fond, créant un espace éblouissant qui noie nos repères visuels. L’objet s’investit d’une forte présence qui nous le rend plus proche et moins fermé.

Ces photographies ne sont pas sans faire penser au color-field américain, en raison de leur emploi spectaculaire de la couleur et de la négation fréquente de toute illusion de profondeur. On est happé par ces immenses plages colorées dans lesquelles les bouteilles paraissent flotter comme en apesanteur. Un halo lumineux les enveloppe qui efface leur matérialité. À partir d’un travail attentif aux aspects immanents à la perception, Goedicke réalise des images irréelles aux effets extrêmement précis. Il parvient ainsi à un travail photographique d’une grande élégance. La lumière exalte les couleurs, leurs multiples nuances, leur caractère changeant, comme si Goedicke voulait rendre sensible, jusqu’au vertige, ces incessantes mutations du visible.

Claus Goedicke
— XI – 5, 2002. C-Print (Diasec). 150 x 115 cm.
— XI – 25, 2002. C-Print (Diasec). 160 x 128 cm.
— XI – 6, 2002. C-Print (Diasec).
— XI – 29, 2002. C-Print (Diasec).

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